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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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même, comme pour montrer que la
victoire de la Sainte Ligue n’était que d’apparence, débarquer de petites
troupes de soldats qui s’en allaient loin du rivage attaquer et dévaster les
villages, en massacrer ou déporter les habitants.
     
    Nous avons donc commencé à chevaucher et j’écoutais Michele
Spriano réciter tout au long du jour des vers de La Divine Comédie. Je
réussissais parfois à compléter le passage qu’il avait commencé.
    Nous nous répondions ainsi comme les joueurs de pelote, nous
étonnant l’un l’autre de nos prouesses, allant de L’Enfer au Paradis, avançant lentement, savourant, après tant de souffrances, de tueries dont
nous avions été les témoins, cette campagne italienne, puis celle de Provence
qui s’assoupissaient sous les brumes encore légères de l’automne.
    Enfin j’ai aperçu les murailles du Castellaras de la Tour,
notre demeure depuis qu’il y a, sur cette terre, des Thorenc.

 
PREMIÈRE PARTIE

 
1.
    Je me suis arrêté au milieu du pont et j’ai fermé les yeux.
    J’ai entendu l’eau du torrent. Elle coulait vers moi depuis
ma petite enfance. Un instant, j’ai imaginé que je venais enfin de quitter les
territoires de la douleur et de l’humiliation, et que j’abordais, au mitan de
ma vie, non pas une forêt obscure, mais le paradis, le lieu où j’avais vu le
jour.
    J’ai ouvert les yeux.
    Un vieil homme s’avançait, la tête grise enfoncée dans les
épaules. Il marchait avec peine. J’ai sauté à terre. Il s’est immobilisé et
j’ai reconnu Denis, l’un des jeunes valets avec qui je m’étais souvent baigné
dans ce torrent qui longeait les murailles du Castellaras de la Tour avant
d’aller se jeter dans la Siagne.
    Puis, dominant l’autre rive, j’ai aperçu les quatre tours de
la Grande Forteresse des Mons.
    J’ai appelé le valet par son nom en lui tendant les rênes,
comme je l’avais fait tant de fois au retour de la chasse, ou bien de cette
guerre des bois à laquelle nous nous livrions, Enguerrand de Mons et moi.
    Denis m’a dévisagé. Il a hésité. J’ai cru qu’il allait se
précipiter vers moi ou bien s’agenouiller. Mais il a seulement saisi les rênes
de nos chevaux et s’est éloigné vers la poterne, se retournant à plusieurs
reprises comme s’il voulait se persuader qu’il m’avait vu, que j’étais bien là,
après tant d’années.
    Je me suis dirigé vers la cour, suivi de Michele Spriano,
qui se tenait à quelques pas en arrière.
     
    Des hommes vêtus de noir, les uns portant des hallebardes,
les autres la main sur le pommeau de leur épée, sont venus à notre rencontre.
Nous nous sommes fait face au milieu de la cour.
    À ce moment, levant les yeux, j’ai vu que la statue de la
Vierge qui se trouvait jadis à l’entrée de notre chapelle avait été décapitée
et que les saints qui l’entouraient avaient subi le même sort, leurs membres
brisés, si bien que les niches ressemblaient à des cercueils trop grands pour
ces corps mutilés.
    L’émotion et la colère m’ont submergé.
    Ils avaient saccagé mon enfance. Ils avaient osé se livrer
ici à ces actes sacrilèges, pareils à ceux que nous avions déjà découverts dans
certains villages depuis que nous étions entrés en Provence.
     
    La haine dans les yeux, la rage dans la bouche, des paysans,
des prêtres nous avaient raconté comment les hérétiques huguenots, ces gens de
la secte du diable, avaient partout détruit, violenté les images de la Vierge
Marie, massacré celles des saints, attiré ainsi la malédiction. Ils défiaient
Dieu, mangeant du rôti en carême, cachant leur diablerie sous les austères
vêtements de l’hypocrisie. Ils refusaient de jouer aux cartes, d’entrer dans
les estaminets, ils n’étaient jamais ivres et leurs femmes se drapaient dans
des robes si amples et si boutonnées qu’on ne savait si leur peau était rose ou
noire, leurs formes aiguës ou rondes.
    Mais la bonne mine des protestants cachait une âme
démoniaque et pervertie. Ils ne reconnaissaient ni le pape ni les prêtres.
Comment auraient-ils alors obéi au roi ?
    Et ces paysans et ces curés nous avaient montré les vitraux
fracassés de leurs églises, les tympans sculptés martelés au burin, les visages
des saints réduits à une bouillie pierreuse, l’Église blessée à mort.
    Il avait fallu s’armer pour chasser ces nouveaux vandales,
les pendre, les brûler, mais ils revenaient en grosses bandes, et l’une des
plus

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