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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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mort et invite à se soumettre au règne du temps et de l’oubli ?
    Comment trouver la force de résister, de continuer à
m’avancer dans mon passé afin d’en rendre compte, pour que, avant que Dieu ne
me juge, je pèse ce que j’ai fait, et que les hommes connaissent mes actes et
mes pensées ?
    Je Vous ai prié, Seigneur, Vous qui êtes la Résurrection, de
me donner l’élan nécessaire, de me faire oublier cette douleur lancinante qui
me brûle la nuque, entrave l’écriture alors même que ma vue se trouble, que les
mots que je trace deviennent une informe grisaille que je ne réussis plus à
lire.
    Et cependant je dois écrire, Seigneur !
     
    Ce matin je suis resté plus longtemps que de coutume dans
notre chapelle du Castellaras de la Tour.
    J’ai posé les mains sur cette tête de christ aux yeux clos.
Je l’avais arrachée aux janissaires qui avaient mutilé le crucifix de notre
galère et brandissaient ce visage de bois et de douleur comme la preuve de leur
victoire.
    Mais j’ai tué le Turc qui Vous avait frappé, Seigneur, et
nous avons vaincu leur flotte à Lépante.
    Il m’a fallu peu de temps pour comprendre que cette victoire
ne mettrait fin ni à notre lutte contre les infidèles ni à nos guerres entre
chrétiens.
    C’est pour cela que j’ai quitté Messine en compagnie de
Michele Spriano.
     
    Nous avons acheté un brigantin, largué les amarres dans la
nuit et navigué en longeant la côte jusqu’à Pise où Michele Spriano possédait
des entrepôts et faisait travailler plusieurs dizaines de tisserands et de
drapiers dans les petits villages accrochés aux pentes des collines entre Pise,
Prato et Florence.
    L’automne avait recouvert la terre d’un tapis de feuilles
rousses. Souvent, de brèves et violentes averses achevaient de dépouiller les
vignes et les arbres, les laissant comme des corps torturés. Mais la paix
régnait, et après ce que j’avais vécu à Alger, parmi les chiourmes des galères
barbaresques, à Malte, en Andalousie et, il y avait seulement quelques jours,
pendant la bataille de Lépante, je me sentais comme alangui, plein du désir de
retrouver les lieux de mon enfance, ce Castallaras de la Tour que je n’avais
plus revu depuis – j’en faisais et refaisais le calcul tout en marchant
entre les cyprès et les vignes – vingt-huit années.
     
    Mon père était mort.
    Mon frère Guillaume de Thorenc, huguenot, était ambassadeur
du roi de France, Charles IX, à Constantinople.
    Je me sentais honteux de porter le même nom que lui. Il
était fidèle à mon père qui, pour le service du monarque, avait reçu chez nous,
au Castellaras de la Tour, les envoyés de Soliman le Magnifique.
    Selon Diego de Sarmiento, Guillaume s’employait à détruire
la Sainte Ligue chrétienne en favorisant les rencontres entre Vénitiens et
Turcs, en les aidant à conclure un traité de paix.
    — Les Français, ton frère, comme avant lui ton père,
m’avait-il dit, craignent tant l’Espagne qu’ils préfèrent la défaite de la
chrétienté à sa victoire, qui renforcerait Philippe II. Ils nous
trahissent. Ils te renient. Rejette-les !
    C’est ce que j’avais fait tout au long de ma vie.
    Sarmiento ajoutait que ma sœur Isabelle, huguenote elle
aussi, faisait partie des suivantes de Catherine de Médicis.
    Ces jeunes femmes servaient d’appâts à la reine mère, qui,
grâce à elles, séduisait les grands du royaume, qu’ils fussent huguenots ou
papistes, et les ambassadeurs, espérant ainsi les empêcher de s’opposer à la
politique de Charles IX.
    — Je veux dire : celle qu’elle dicte à son fils,
tortueuse et empoisonnée, italienne, pour tout dire, avait conclu Sarmiento.
    Je l’avais écouté. Je n’avais plus revu ma sœur depuis des
années. Mais pouvais-je vraiment le croire, lui qui haïssait les Français et
aurait voulu que son roi Philippe II gouverne aussi à Paris ?
     
    Je ne me suis pas attardé à Pise, et grande a été ma joie
quand Michele Spriano a décidé de m’accompagner.
    Nous avons pris la route. Ni Michele ni moi ne voulions
poursuivre notre voyage par mer. Si nous avions pu naviguer de Messine à Pise
sans encombre, c’est que la flotte turque était encore sous le coup de sa
défaite à Lépante. Mais il avait suffi de quelques semaines pour que les
corsaires barbaresques se remettent à rôder le long des côtes.
    De la route nous apercevions leurs voiles ocre. Ils
attaquaient les navires chrétiens et osaient

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