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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Spriano.
    J’ai hurlé qu’on nous amène nos chevaux et j’ai contraint le
capitaine des gardes à me suivre jusqu’au pont. Denis nous y attendait avec les
montures.
    J’ai repoussé Jean-Baptiste Colliard, puis nous avons bondi
en selle. Comme nous atteignions les derniers mètres du pont, il y a eu une
arquebusade.
    J’ai entendu le plomb siffler à mes oreilles et frapper les
pierres. Puis il y a eu le cri sourd de Michele Spriano que j’ai vu se pencher
sur l’encolure de son cheval, s’agrippant à sa crinière.
    Le sang a commencé à tacher la robe fauve de sa monture.
    Mais il a continué de galoper vers la forêt cependant que je
criais de désespoir, jurant de me venger.
     
    J’ai enfin pu arrêter le cheval de Michele Spriano qui ne
portait plus qu’un mort.
    Nous étions au milieu d’une clairière à l’extrémité de
laquelle se dressait, sur une butte entourée de chênes, un calvaire. On –
qui d’autre, sinon les huguenots ? – avait renversé la croix et brisé
le socle.
    Je me suis agenouillé au pied de l’un des chênes et, avec ma
dague, puis avec une branche épointée comme un pieu, enfin à mains nues, j’ai
creusé une fosse.
    C’est long et douloureux de préparer, seul, la sépulture
d’un homme.
    J’ai enveloppé le corps de Michele Spriano dans son manteau,
y cachant son visage, puis je l’ai déposé au fond du trou. Près de lui,
enroulée dans une couverture, j’ai placé la tête du christ aux yeux clos.
     
    Un jour, je reviendrai.
    Vous m’en avez donné, Seigneur, à l’instant où je commençais
à faire glisser la terre, la certitude.
    Je reviendrai au Castellaras de la Tour. Je bâtirai un
tombeau pour Michele Spriano, dans notre chapelle. Je replacerai les statues de
la Vierge et des saints dans les niches de la façade.
    Et je déposerai sur l’autel l’étendard de damas rouge qui
avait flotté à la poupe de la Marchesa, ainsi que la tête tranchée du
christ.
     
    J’ai tassé la terre à coups de bâton. Je devais rester le
seul à connaître l’emplacement, car, ailleurs, on avait aussi profané des
tombeaux.
    J’ai reculé de quelques pas. Je reconnaîtrais ce chêne entre
les mille arbres d’une forêt.
    Puis j’ai attaché la bride du cheval de Spriano au pommeau
de ma selle, et j’ai commencé à longer la rive de la Siagne.
     
    J’avais cru, en apercevant les murailles du Castellaras de
la Tour, que le temps de la paix était revenu pour moi.
    Tout au contraire, je m’étais un peu plus enfoncé dans la
forêt obscure.
    Et le sang avait à nouveau coulé.
    Il me fallait donc aller au bout de mon voyage et de ma
guerre.
    J’ai décidé de me rendre à Paris. Là devaient se trouver
Guillaume de Thorenc et les autres chefs de la secte huguenote, au centre du
royaume de Lucifer.

 
2.
    Seigneur, j’ai traversé le royaume de France du Castellaras
de la Tour jusqu’à la porte de Buci que j’ai franchie au début du mois de
décembre de l’an de grâce 1571.
    Des hommes de la prévôté de Paris m’ont fouillé, me
demandant à qui j’appartenais, me dévisageant d’un air soupçonneux.
    J’ai répondu que j’avais combattu les infidèles avec la
Sainte Ligue, que nous avions vaincu la flotte du sultan et que je me rendais
auprès d’Enguerrand de Mons, chevalier de Malte, ambassadeur de son ordre
auprès du roi.
    On m’a donné l’accolade.
    Je n’étais pas l’un de ces fieffés huguenots qui louent des
chambres dans tous les quartiers de Paris, y tiennent des conciliabules,
cherchent à introduire dans la ville des armes courtes avec lesquelles ils
pourront procéder à de rapides exécutions dans les logis ou les rues.
    Il fallait que je me méfie de tous les gentilshommes aux
vêtements austères et à la large fraise : ce sont là des affidés de
l’amiral de Coligny, des rebelles réformés, des séditieux amiralistes, des
huguenots de guerre !
    Je me suis éloigné, longeant le pré aux Clercs, croisant des
hommes en armes, des gens du peuple, des bateliers, des portefaix, des femmes
qui, malgré le froid vif, étaient bras nus. Ils gesticulaient autour d’une
grande croix dressée sur une pyramide de pierre gardée par des soldats du roi.
    J’ai mis pied à terre.
    On m’a entouré. Étais-je un gentilhomme des Guises, les
vrais défenseurs de la foi ?
    J’ai opiné, écouté. On disait qu’il fallait empêcher que
cette croix ne soit renversée et détruite comme le voulaient les

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