Peines, tortures et supplices
Chacun des gardes chiourmes reçoit alors sous sa direction un nombre de forçats, qui varie de seize à vingt-quatre, et les conduit aux ouvrages du port.
Les travaux du galérien sont divisés en deux principales catégories, sous les noms de grande et de petite fatigue .
La grande fatigue comprend la traction des charrettes, la conduite des barques à rames, les gros travaux et le nettoyage du port, à l'air libre et sous toutes les intempéries des saisons. Les travaux les plus rudes et les plus pénibles sont effectués par les forçats à temps les moins dociles et par les condamnés à perpétuité, qui restaient jadis cloués sur leurs tollards . Depuis qu'on les emploie très-activement, les révoltes si fréquentes autrefois sont aujourd'hui très-rares; l'expérience a de plus démontré que les galériens qui travaillent le plus sont précisément ceux qui se livrent le moins à l'insurrection.
La petite fatigue embrasse les travaux qui se font dans les parties couvertes du port, dans les magasins, à bord des bâtiments, dans la voilerie, la corderie, etc. Les forçats qui les exécutent reçoivent un salaire qui varie depuis cinq jusqu'à vingt centimes par jour. L'administration conserve le tiers, qui se trouve capitalisé pour former le pécule dont une moitié sera donnée au libéré lors de sa sortie et l'autre déposée à la mairie de sa commune.
Un seul garde chiourme, portant sur l'épaule sa carabine chargée, conduit de leur salle dans le port, qui communique directement avec le bagne, seize à vingt-quatre hommes. Ils marchent couplés sur deux rangs, dans le calme le plus parfait. À l'arrivée au lieu du travail, comme au départ, ils répondent à l'appel de leur numéro; puis se mettent lentement à l'ouvrage.
VII.
BAZAR DU BAGNE.
À Brest, il est placé dans la petite cour d'entrée à droite, à la suite même des cachots. Le local est d'assez pauvre apparence, mais les objets qu'il renferme sont en général très-curieux. On y trouve des ouvrages en papier, en carton, en paille, en aloës très-soigneusement exécutés.
D'autres en buis, en coco, en ivoire, sculptés plus ou moins artistement; les marchands de ces objets sont des forçats éprouvés et déferrés.
VIII.
NOURRITURE DU FORÇAT.
Dans les bagnes, le régime alimentaire se compose pour la journée de 917 grammes de pain ou 700 grammes de biscuit; 120 grammes de fèves ou haricots cuits à l'eau, assaisonnés avec le beurre ou l'huile; 48 centilitres de petit vin ou 96 centilitres de cidre; ceux qui restent sur les bancs ou tollards ne boivent que de l'eau.
Les forçats qui touchent de l'argent de leur famille ou qui se livrent à des travaux lucratifs ont la permission d'améliorer ce régime alimentaire en achetant la viande, les légumes, les fruits, le fromage, que leur vend un fournisseur à des prix réglés par l'administration et qui ne peuvent jamais s'élever au dessus de vingt centimes par objet. Le débit du vin et des liqueurs est interdit de la façon la plus formelle.
IX.
LA NUIT DU FORÇAT.
Avant la chute du jour, s'effectue la rentrée au bagne. Tous les galériens sont fouillés par les surveillants. Après le souper, les forçats peuvent encore travailler. Le coucher se fait à huit heures. À Brest, chacune des salles peut contenir de cinq à six cents condamnés. Dans ces différents dortoirs, on rencontre sur une même ligne vingt-cinq bancs, dont la forme est celle de deux grands lits de camp adossés. Sur chaque banc, nommé tollard, sont couchés vingt-quatre galériens, douze sur chacun des rangs disposés en plan incliné. À chaque place désignée par son numéro, se trouve une couverture de laine grise très-grossière, pouvant envelopper l'homme assez complètement pour qu'il ne repose pas immédiatement sur le bois. Chaque forçat trouve dans ce lit commun son espace rigoureusement déterminé, sa case marquée, dont il ne doit jamais s'écarter sans permission.
Lorsqu'ils sont tous couchés, on passe dans les chaînes particulières une chaîne commune au même rang, et qui ne ménage de liberté que juste dans l'étendue très-limitée du parcours indispensable pour arriver au baquet de nuit, placé à l'extrémité de chaque intervalle des bancs, dans une espèce de niche surmontée d'un robinet qui fournit amplement l'eau nécessaire aux ablutions, de telle sorte qu'en réalité les salles n'offrent pas une trop mauvaise odeur.
Alors un coup de sifflet donne le signal du
Weitere Kostenlose Bücher