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Peines, tortures et supplices

Peines, tortures et supplices

Titel: Peines, tortures et supplices Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anonymous
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dans ce trou noir, un homme sur le seuil était debout.
    «Il en sortit courbé en deux, avec l'air effaré des bêtes fauves quand on les rend libres tout à coup.
    «La lumière l'éblouissait; il resta quelque temps immobile. Tous l'avaient reconnu et ils retenaient leur haleine.
    «Le corps de cette victime était pour eux une chose particulière et décorée d'une splendeur presque religieuse. Ils se penchaient pour le voir, les femmes surtout. Elles brûlaient de contempler celui qui avait fait mourir leurs enfants et leurs époux, et du fond de leur âme, malgré elles, surgissait une infâme curiosité,—le désir de le connaître complètement, envie mêlée de remords et qui se tournait en un surcroît d'exécration.
    «Enfin il s'avança; alors l'étourdissement de la surprise s'évanouit. Quantité de bras se levèrent et on ne le vit plus.
    «L'escalier de l'Acropole avait soixante marches. Il les descendit comme s'il eût roulé dans un torrent du haut d'une montagne; trois fois on l'aperçut qui bondissait, puis en bas, il retomba sur les deux talons.
    «Ses épaules saignaient, sa poitrine haletait à larges secousses, et il faisait, pour rompre ses liens, de tels efforts, que ses bras croisés sur ses reins nus, se gonflaient comme des tronçons de serpents.
    «De l'endroit où il se trouvait, plusieurs rues partaient devant lui. Dans chacune d'elles, un triple rang de chaînes en bronze, fixées au nombril des dieux-patæques, s'étendait d'un bout à l'autre, parallèlement; la foule était tassée contre les maisons, et, au milieu, des serviteurs des anciens se promenaient en brandissant des lanières.
    «Un d'eux le poussa en avant d'un grand coup; Mâtho se mit à marcher.
    «Ils allongeaient leurs bras par-dessus les chaînes, en criant qu'on lui avait laissé le chemin trop large; et il allait, palpé, piqué, déchiqueté par tous ces doigts; lorsqu'il était au bout d'une rue, une autre apparaissait; plusieurs fois il se jeta de côté pour les mordre, on s'écartait bien vite, les chaînes le retenaient et la foule éclatait de rire.
    «Un enfant lui déchira l'oreille, une jeune fille dissimulant sous sa manche la pointe d'un fuseau, lui fendit la joue; on lui enlevait des poignées de cheveux, des lambeaux de chair; d'autres avec des bâtons, où tenaient des éponges imbibées d'immondices, lui tamponnaient le visage. Du côté de sa gorge, un flot de sang jaillit; aussitôt le délire commença. Ce dernier des barbares leur représentait tous les barbares, toute l'armée, ils se vengeaient sur lui de leurs désastres, de leurs terreurs, de leurs opprobres. La rage du peuple se développait en s'assouvissant; les chaînes trop tendues se courbaient, allaient se rompre; ils ne sentaient pas les coups des esclaves tapant sur eux pour les refouler; d'autres se cramponnaient aux saillies des maisons; toutes les ouvertures dans les murailles étaient bouchées par des têtes; et le mal qu'ils ne pouvaient lui faire, ils le hurlaient.
    «C'étaient des injures atroces, immondes, avec des encouragements ironiques et des imprécations, et comme ils n'avaient pas assez de sa douleur présente, ils lui en annonçaient d'autres encore plus terribles pour l'éternité.
    «Ce vaste aboiement emplissait Carthage, avec une continuité stupide. Souvent une seule syllabe,—une intonation rauque, profonde, frénétique,—était répétée durant quelques minutes par le peuple entier. De la base au sommet les murs en vibraient et les deux parois de la rue semblaient à Mâtho venir contre lui et l'enlever du sol, comme deux bras immenses qui l'étouffaient dans l'air.
    «Cependant, il se souvenait d'avoir, autrefois, éprouvé quelque chose de pareil. C'était la même foule sur les mêmes terrasses, les mêmes regards, la même colère; mais alors il marchait libre, tous s'écartaient, un dieu le recouvrait;—et ce souvenir, peu à peu se précisait, lui apportait une tristesse écrasante. Des ombres passaient devant ses yeux; la ville tourbillonnait dans sa tête, son sang ruisselait par une blessure de sa hanche; il se sentait mourir; puis ses jarrets plièrent, et il s'affaissa tout doucement sur les dalles.
    «Quelqu'un alla prendre au péristyle du temple de Melkarth, la barre d'un trépied rougi par des charbons, et la glissa sous la première chaîne, il l'appuya contre sa plaie. On vit la chair fumer; les huées du peuple étouffèrent sa voix; il était debout.
    «Mais six pas plus loin, et

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