Peines, tortures et supplices
une troisième, une quatrième fois il tomba; toujours un supplice nouveau le relevait. On lui envoyait avec des tubes des goutelettes d'huile bouillante; on sema sous ses pas des tessons de verre; il continuait sa marche; mais au coin de la rue de Stateb, il s'accota sous l'auvent d'une boutique, le dos contre la muraille, et n'avança plus.
«Alors les esclaves du conseil le frappèrent avec leurs fouets en cuir d'hippopotame, si furieusement et pendant si longtemps que les franges de leurs tuniques étaient trempées de sueur. Mâtho paraissait insensible; puis, tout à coup, il prit son élan, et il se mit à courir au hazard, en faisant avec ses lèvres le bruit des gens qui grelottent par un grand froid. Il enfila la rue de Boudès, la rue de Sœpo, traversa le Marché-aux-Herbes et arriva sur la place de Khamon.
«Il appartenait aux prêtres, maintenant; les esclaves venaient d'écarter la foule; il y avait plus d'espace. Mâtho regarda autour de lui et ses yeux rencontrèrent Salammbô.
«Dès le premier pas qu'il avait fait, elle s'était levée; puis involontairement, à mesure qu'il se rapprochait, elle s'était avancée peu à peu jusqu'au bord de la terrasse; et bientôt, toutes les choses extérieures s'effaçant, elle n'avait aperçu que Mâtho. Un silence s'était fait dans son âme,—un de ces abîmes où le monde entier disparaît sous la pression d'une pensée unique, d'un souvenir, d'un regard. Cet homme, qui marchait vers elle, l'attirait.
«Il n'avait plus, sauf les yeux, d'apparence humaine; c'était une longue forme complètement rouge; ses liens rompus pendaient le long de ses cuisses, mais on ne les distinguait pas des tendons de ses poignets tout dénudés; sa bouche restait grande ouverte; de ses orbites sortaient deux flammes qui avaient l'air de monter jusqu'à ses cheveux;—et le misérable marchait toujours!
«Il arriva juste au pied de la terrasse, Salammbô était penchée sur la balustrade; ces effroyables prunelles la contemplaient, et la conscience lui surgit de tout ce qu'il avait souffert pour elle. Bien qu'il agonisât, elle le revoyait dans sa tente, à genoux, lui entourant la taille de ses bras, balbutiant des paroles douces; elle avait soif de les sentir encore, de les entendre; elle ne voulait pas qu'il mourût! À ce moment-là, Mâtho eu un grand tressaillement; elle allait crier—Il s'abattit à la renverse et ne bougea plus.»
II.
LE SUPPLICE DU BRAHMINE.
Lorsqu'un Brahmine des bords du Gange a commis quelque faute, il tombe au rang des parias; et sa famille est vouée à l'exécration. Il peut racheter les siens, et s'assurer l'éternité de vie heureuse en se soumettant à cet horrible supplice.
Au bout d'un mât semblable à ceux qui, dans nos fêtes publiques, servent aux divertissements populaires, est placé un pivot de fer sur lequel se trouve posée horizontalement, par le milieu, une longue pièce de bois d'où pendent à chaque extrémité quatre cordes de la hauteur du mât. Sur des côtés, au bout des cordes, sont fixés quatre forts crochets de fer semblables à des hameçons. On fait approcher de cette bascule infernale le brahmine qui veut racheter sa caste; deux de ces crochets aigus lui sont fortement enfoncés dans les chairs de chaque côté des vertèbres dorsales et les deux autres sont appliqués plus bas à la jonction des lombes. Dans cet état ses parents eux-mêmes l'élèvent par les cordes de l'autre extrémité jusqu'à la moitié du mât et s'élançant avec force dans l'arène homicide, ils contemplent en l'air, avec calme, le malheureux décrivant un vaste cercle que son sang reproduit sur la terre. Mais les chairs se déchirent, des lambeaux s'en détachent; il tombe mourant aux pieds de ses bourreaux, demande le pardon de sa faute, et attend la mort sans se plaindre. On accourt cependant, on s'empresse, on l'entoure; vous croyez sans doute qu'on va lui prodiguer des secours? Non, le martyre n'est pas complet: on frotte ses plaies avec de la boue du fleuve qui seule peut achever sa purification; on lui en met dans la bouche, dans le nez, dans les oreilles, et dans cet état horrible, vivant encore, le Gange entr'ouvre ses eaux pour recevoir son dernier soupir!
III.
SUPPLICE DE L'ARBRE.
Pour rétablir la discipline dans les troupes romaines, l'empereur Aurélien ordonna des peines très-sévères contre les soldats qui oseraient l'enfreindre.
À deux grosses branches d'arbre que l'on avait fait fléchir en les attirant vers
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