Révolution française Tome 1
méfie des ambitions de ce « Gilles César ».
Et parmi tous ces patriotes bavards et retors, il lui semble
que le plus lucide et l’un des plus dangereux pour la monarchie est ce
Maximilien Robespierre qui, attaquant La Fayette aux Jacobins, déclare : « Le
pire des despotismes c’est le gouvernement militaire et depuis longtemps nous
marchons à grands pas vers ce gouvernement. »
Mais Louis ne s’illusionne pas.
Il est persuadé que, quel que soit celui des « patriotes »
qui l’emportera, Robespierre ou Brissot, les Montagnards ou les Girondins, et
même La Fayette ou les frères Lameth, les plus modérés, et pour le pire Marat, aucun
de ceux-là ne voudra rendre au souverain les pouvoirs légitimes qui sont les
siens, par la volonté de Dieu.
Ils persisteront les uns et les autres à enchaîner le
pouvoir royal, afin de le soumettre à leurs désirs.
Et c’est ce que Louis ne peut, ne veut pas accepter.
Il est roi de droit divin.
Il approuve ce qu’écrit un journaliste royaliste, Du Rosoi, dans
la Gazette de Paris , et en même temps il s’en inquiète, car que
gagne-t-on à dévoiler sa pensée à ses ennemis ?
Du Rosoi n’hésite pas, en appelle aux souverains d’Europe :
« Connaissez vos devoirs par les maux qui nous accablent, par les
attentats qui nous épouvantent, écrit-il.
« Un peuple déjà rassasié de crimes est appelé à des
crimes nouveaux : il ne sait ni ce qu’il veut, ni ce qu’on lui dit de
vouloir. Mais ce peuple, ce n’est pas le PEUPLE FRANÇAIS, c’est ce qu’on
appelle la NATION. Telle une excroissance spongieuse et visqueuse naît sur le
corps humain : elle n’est point ce corps, et cependant elle en fait partie…
Ne l’extirpez point, sa grosseur deviendra bientôt démesurée, sa masse parasite
fera courber le corps qu’elle défigure et dessèche à la fois… »
C’est bien cela ! Et Louis répète la conclusion de l’une
des lettres qu’il a reçues :
« Nous sommes sur un volcan prêt à jeter des flammes. »
Mais il ne cédera pas. Il n’est plus temps.
Il entend les cris que poussent, aux abords des Tuileries, les
sans-culottes. Ils exigent que le roi renonce à ses deux veto sur les décrets
de l’Assemblée nationale. La foule dénonce ceux qui le soutiennent et qui ne
sont qu’une « horde d’esclaves, des traîtres, des parricides, des
complices de Bouillé ».
Ils lancent : « Périssent les tyrans, un seul
maître la loi. »
Et Roland de La Platière, le ministre de l’intérieur, cet
homme en habit noir, aux cheveux plats très peu poudrés, ses souliers sans
boucle, une sorte de « quaker endimanché », adresse à Louis une
lettre arrogante, exigeant, au nom des autres ministres, que le roi accepte les
deux arrêtés, renonce à son droit de veto.
La lettre a sans doute été écrite par Manon Roland, après
avoir consulté Vergniaud et Brissot, et les habitués de son salon de la rue
Guénégaud.
Ils imaginent sans doute tous que Louis va céder. Et au
contraire, il s’arc-boute, démet Roland et les ministres girondins, et les
remplace par des membres du club des Feuillants, modérés et inconnus.
Il sait que le « volcan va jeter des flammes », que
l’épreuve de force est engagée.
Dès le 13 juin, l’Assemblée décrète que les ministres
renvoyés « emportent la confiance de la nation ».
Dans les tribunes de l’Assemblée on crie : « À bas
l’Autrichienne, À bas Monsieur Veto ! »
« Déchéance ! »
Et on entend même quelques « Vive la République ! »
et « Aux armes ! ».
Louis n’est pas surpris par la violence des propos qu’on lui
rapporte.
Les députés girondins ont eux aussi, comme les sans-culottes
présents à l’Assemblée, réclamé la déchéance du roi. Ils décident même de créer
une Commission des Douze, composée de députés Feuillants et Jacobins, et
destinée à veiller aux dangers qui menacent la patrie.
Et on accuse la reine d’être l’alliée et la complice des
souverains étrangers, de livrer les plans des armées françaises, aux émigrés, au
marquis de Bouillé, au duc de Brunswick qui commande les troupes prussiennes.
Quant à Monsieur Veto, il fait cause commune avec les
prêtres réfractaires, ces « chambardeurs » qui dressent les paysans
contre les prêtres constitutionnels et qui incitent les citoyens à la rébellion.
Et cela se produit chaque jour dans les départements de l’Ouest, en
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