Révolution française Tome 1
aux Montagnards –
refusent de voter le décret. « Le peuple veut la guerre », a lancé un
député « girondin » et un autre s’est écrié : « Il faut
déclarer la guerre aux rois et la paix aux peuples. »
Dans les tribunes de l’Assemblée, dans les rues voisines de
la salle du Manège, la foule acclame les députés. Louis entend les cris de joie.
Cette déclaration de guerre est pourtant pleine d’arrière-pensées.
Les brissotins veulent, avec la guerre, briser la monarchie.
Et la guerre peut permettre de relancer la Révolution.
Et la guerre peut permettre au roi de retrouver tous ses
pouvoirs.
L’enjeu est pour chaque camp immense.
Louis y pense sans cesse : c’est une question de vie ou
de mort.
Il se doute que la reine informe les souverains étrangers de
la situation française et même des mouvements des troupes. Louis l’accepte.
Trahison ? Ce mot n’a pas grand sens pour elle, pour
lui.
Ils sont fidèles à la monarchie.
« Voici ce que la reine vient de me faire parvenir, en
chiffre, écrit Mercy-Argenteau au chancelier d’Autriche Kaunitz. Monsieur
Dumouriez a le projet de commencer le premier par une attaque en Savoie et une
autre par le pays de Liège. C’est l’armée de Monsieur de La Fayette qui doit
servir à cette dernière attaque. Voilà le résultat du Conseil d’hier. Il est
bon de connaître ce projet pour se tenir sur ses gardes ; selon les
apparences cela s’effectuera promptement. »
Louis cependant doute.
Il lui suffit de croiser les gardes nationaux dans les
couloirs et les salons des Tuileries pour mesurer que l’enthousiasme patriotique
et la volonté de se battre ont chassé le doute et la peur. Le peuple est résolu.
Dans les rues voisines du palais, la foule défile et chante.
Le 25 avril 1792 à Strasbourg, un jeune officier du génie, Rouget
de L’Isle, né à Lons-le-Saunier, entonne, dans le salon du maire de la ville, Dietrich,
un « Chant de guerre pour l’armée du Rhin » qu’il vient de composer.
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Louis ferme les yeux.
Il voudrait qu’en cessant de lire ces rapports, ces lettres
qu’on lui adresse, ces journaux et ces copies de discours qu’on dépose sur sa
table, la réalité de ce mois de mai 1792 s’efface. Qu’il ne reste que ce ciel d’un
bleu soyeux, que ces pousses d’un vert léger, que cette brise matinale, si
fraîche. Et que ce printemps radieux l’entraîne d’un pas allègre. Mais Louis ne
quitte plus le palais des Tuileries.
L’Assemblée a décidé de licencier six mille hommes de la
garde du roi, comme si on voulait le livrer à ces bandes de sans-culottes des
faubourgs qui, presque chaque jour, depuis que roulent les dés de la guerre, viennent
défiler, rue Saint-Honoré, place Louis-XV, et hurlent leur haine.
Ce n’est pas la peur qui étreint Louis et le fait se
calfeutrer dans les appartements royaux, mais la souffrance qu’il éprouve à
entendre ces cris, à voir son peuple brandir des piques, des scies, des coutelas,
des poignards, des bâtons, à constater que le pire qu’il avait imaginé est
survenu, plus vite qu’il ne l’avait cru.
Il a suffi de quelques jours, moins de dix après la
déclaration de guerre, pour que l’armée du Nord, qui avait pénétré en Belgique,
se défasse, que la panique et la déroute la transforment en une cohue
indisciplinée, accusant les officiers aristocrates de trahison, massacrant le
général Dillon à Lille. Et peu après, le régiment du Royal-Allemand passait à l’ennemi.
Mais qui est l’ennemi ?
Ces Autrichiens du roi de Bohême et de Hongrie, François II,
empereur d’Autriche et neveu de Marie-Antoinette ? Ces Prussiens de
Frédéric-Guillaume II qui se sont alliés à François II ?
Ou bien les vrais ennemis ne sont-ils pas ces Cordeliers, ces
Jacobins, ces Montagnards, ces brissotins, et tous ces sans-culottes lecteurs
de Marat et de Camille Desmoulins ?
Louis rouvre les yeux, lit ce rapport sur les premières
défaites et il devrait s’en réjouir, comme le font Marie-Antoinette et son
entourage.
Mais il ne le peut pas.
Cette violence qui se déchaîne est une tumeur qui rongera
tout le royaume, et Louis le craint, Louis le pressent, et dévorera la famille
royale et la monarchie. Louis a l’impression en apprenant ces événements qu’on
lui arrache des lambeaux de chair, dans la gorge, dans la poitrine.
« Ce qu’il y a de plus fâcheux est que cette défaite a
produit
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