Révolution française Tome 1
qu’on
lit dans toutes les sections du club des Jacobins, et dont l’avis pèse à l’Assemblée
nationale, parce que les spectateurs des tribunes l’ont lu !
Louis tient encore les dés de l’avenir dans son poing. Il
sait que s’il les lance, il n’est pas sûr de gagner. Ce sera la guerre, avec
ses incertitudes, mais le jeu est ouvert. Les troupes prussiennes du duc de
Brunswick, les émigrés du prince de Condé, et les Autrichiens de l’empereur
François II, devraient l’emporter.
Mais s’il ne fait pas rouler les dés de la guerre, alors ce
sont Hébert et Marat, les enragés, qui entraîneront derrière eux tous les
mécontents, les vagabonds, les indigents, les affamés, les infortunés, ceux des
paysans qui ont recommencé à attaquer les châteaux : et il n’y a aucun
moyen de les arrêter, de les battre, leur victoire est certaine.
Alors Louis fait rouler les dés de la guerre.
Il renvoie ses ministres, constitue un ministère « girondin »,
avec le général Dumouriez au passé d’aventurier, comme ministre des Affaires
étrangères, avec Roland de La Platière au ministère de l’intérieur et, deux
mois plus tard, le colonel Servan à la Guerre.
Avec ces hommes-là, on ne le suspectera pas de ne pas
vouloir la guerre et la victoire.
Dumouriez s’en va parler au club des Jacobins avec le bonnet
rouge enfoncé jusqu’aux oreilles, et les Jacobins l’acclament et coiffent à
leur tour le bonnet.
Et il faut que Robespierre s’exclame : « C’est
dégrader le peuple que de croire qu’il est sensible à ces marques extérieures »
pour qu’ils enfouissent leur bonnet rouge dans leur poche !
Que les Jacobins s’étripent entre eux ! Et que Le
Père Duchesne et L’Ami du peuple jugent compromis ceux qui ont
accepté d’être ministres de Monsieur Veto !
La division sert la couronne, affaiblit l’Assemblée ! Et
l’honnête Roland de la Platière n’y peut rien.
Et Manon Roland son épouse peut bien tenir, au 5 de la rue
Guénégaud, un salon où journalistes patriotes, ministres, se réunissent, préparent
en fait les décisions que l’Assemblée votera et qu’ils comptent imposer au roi,
une fracture s’approfondit, entre les brissotins ministres, qu’on appelle Girondins,
et le peuple des sans-culottes, pour qui ces bourgeois et même ce général
Dumouriez ne sont que des « Jacobins, des patriotes, des révolutionnaires
simulés ! ».
Pétion, le maire de Paris, écrit : « Le peuple s’irrite
contre la bourgeoisie, il s’indigne de son ingratitude, et se rappelle les
services qu’il lui a rendus, il se rappelle qu’ils étaient tous frères dans les
beaux jours de la liberté. Les privilégiés fomentent doucement cette guerre qui
nous conduit insensiblement à la ruine. La bourgeoisie et le peuple réunis ont
fait la Révolution ; leur réunion seule peut la conserver. »
Mais la guerre étrangère, l’anarchie, vont élargir ces
failles entre « patriotes ».
Louis apprend que « le parti de Robespierre dans les
Jacobins est contre le ministère, et ce qu’on appelle la Montagne dans l’Assemblée
suit la même ligne ».
Jacobins robespierristes et Montagnards se méfient des
généraux Rochambeau, Luckner, La Fayette, auxquels Dumouriez, « Jacobin
simulé », a donné le commandement des trois armées qui protègent les
frontières du Nord et de l’Est.
Dans les campagnes, les troubles paysans se multiplient.
Le Quercy, le Gard, l’Ardèche, l’Hérault sont touchés. Les
gardes nationaux incendient eux-mêmes les châteaux des émigrés dans le Cantal, le
Lot, la Dordogne. On démolit les « pigeonniers seigneuriaux ».
On prélève des « contributions forcées » sur les « aristocrates ».
Personne n’est en sûreté !
Alors il faut pousser le pays dans la guerre, prendre de
vitesse Marat et Robespierre qui mettent en évidence les dangers du conflit :
Marat annonce les défaites, les intrigues des généraux, et Robespierre craint
que l’un d’eux ne s’empare du pouvoir.
Alors la guerre, vite.
Le 20 avril 1792, Louis XVI se présente à l’Assemblée
nationale législative et annonce devant les députés enthousiastes que « la
France déclare la guerre au roi de Hongrie et de Bohême ». Car François II
n’a pas encore été couronné empereur et on veut essayer de laisser l’Allemagne
et la Prusse en dehors du conflit.
Seuls sept députés – fidèles aux Lameth et
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