Révolution française Tome 1
Provence.
Et l’indignation et la crainte sont à leur comble quand les
députés lisent la lettre qu’adresse à l’Assemblée le général La Fayette. Il
exige des mesures d’ordre, le respect de la Constitution et donc de la personne
du roi.
L’armée des frontières va-t-elle marcher contre les
patriotes de Paris ?
Il faut appeler le peuple à se dresser, afin de contraindre
le roi à reconstituer un gouvernement patriote. Seul, au club des Jacobins, Maximilien
Robespierre tente d’empêcher le déferlement de la violence.
Il dénonce « ces insurrections partielles qui ne font
qu’énerver la chose publique ».
Mais les sans-culottes des faubourgs Saint-Antoine et
Saint-Marcel se rassemblent déjà, armés de leurs piques et de leurs coutelas, de
leurs poignards et de leurs fusils.
Santerre, le brasseur du faubourg Saint-Antoine qui a pris
part à l’attaque de la Bastille et qui était au Champ-de-Mars le 17 juillet
1791, ordonne aux tambours de battre, aux sections de se mettre en marche.
Alexandre, ancien agent de change, lui aussi présent au
Champ-de-Mars le 17 juillet 1791, commandant des canonniers de la garde
nationale, rejoint le cortège avec sa vingtaine de canons.
Le cortège grossit. Les citoyens « passifs » se
mêlent aux gardes nationaux. On crie « À bas Monsieur Veto ! »
et « Vive la République ! ». On décide de se rendre en armes à l’Assemblée
puis aux Tuileries afin d’y présenter des pétitions exigeant le retrait des
veto royaux qui empêchent la déportation des prêtres réfractaires et l’arrivée
des fédérés, venus des départements, au nombre de cinq par canton.
Louis ne répond pas à ceux qui, dans son entourage, l’invitent
à invoquer la Constitution qui autorise le droit de veto.
Il sait que les Girondins, les sans-culottes, la plupart des
Jacobins et sans doute les agents du duc d’Orléans se soucient peu de la
légalité ! Ils veulent cette insurrection, afin de faire plier le roi.
Le maire de Paris, Pétion, vient de prendre un arrêté qui
ordonne au commandant de la garde nationale « de rassembler sous les
drapeaux les citoyens de tous uniformes et de toutes armes, lesquels marcheront
ainsi réunis sous le commandement des officiers de bataillon ».
Pétion vient ainsi de décréter que l’insurrection est légale.
Il y a bientôt une foule en armes, devant la salle du Manège.
Les canons d’Alexandre sont pointés sur l’Assemblée et les Tuileries. Des enfants
côtoient les femmes des Halles, les charbonniers des faubourgs, les
sans-culottes, des vagabonds, vingt mille personne se pressent dans la rue
Saint-Honoré, portant des piques, lances, broches, haches, scies, fourches, massues
et aussi des épis de blé, des rameaux verts et des bouquets de fleurs.
Ils entrent en force à l’Assemblée. Ils crient, interrompant
les délibérations. L’un d’eux, qui se proclame orateur du peuple, déclare :
« Le peuple est debout, à la hauteur des circonstances,
prêt à se servir des grands moyens pour venger sa majesté outragée. »
On danse, on défile devant la tribune. On brandit une
culotte de soie, pleine d’excréments ; voilà les vêtements des
aristocrates.
On a planté au bout d’une pique un cœur de veau sanglant, avec
cette inscription : « Cœur d’aristocrate ». On crie : « Vive
les aristocrates ! À bas le veto ! »
Louis est là, face à cette foule qui l’insulte, le presse.
« Citoyens, crie un chef de légion de la garde
nationale, chargé de la défense du palais, reconnaissez votre roi, respectez-le.
Le roi vous l’ordonne. Nous périrons tous plutôt qu’il lui soit porté la
moindre atteinte. »
On fait monter le roi sur une banquette dans l’embrasure d’une
croisée.
« À bas le veto, rappelez les ministres. »
On interpelle Louis : « Tout votre cœur, toutes
vos affections sont pour les émigrés à Coblence. »
Le boucher Legendre hurle :
« Monsieur, écoutez-nous, vous êtes fait pour nous
écouter, vous êtes un perfide, vous nous avez toujours trompés, vous nous
trompez encore. Mais prenez garde à vous, la mesure est à son comble et le
peuple est las de se voir votre jouet. »
On menace le roi.
On élève à hauteur de son visage ce cœur de veau sanglant, cette
culotte pleine d’excréments.
Louis ne tremble pas.
« Je suis votre roi, dit-il, je ne me suis jamais
écarté de la Constitution. »
Il coiffe un bonnet
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