Révolution française Tome 1
des crimes horribles dans Lille, lit-il. Les vaincus n’ont pu croire qu’ils
l’avaient été par leur faute ; ils ont attribué leur défaite à la trahison.
En conséquence ils ont tué le général Dillon et M. Berthois. Le corps de M. Dillon,
tué d’un coup de pistolet dans la rue par un dragon, a été mis en pièces et
brûlé. M. Berthois a été pendu à un réverbère parce qu’il n’avait pas fait
tirer le canon, lui qui n’avait aucun commandement dans l’artillerie. Ils ont
pendu encore cinq ou six Tyroliens comme espions ou faux déserteurs et l’on
assure qu’ils étaient de vrais prisonniers de guerre. Le même jour, 30 avril, on
a pendu aussi l’ancien curé de la Magdeleine de Lille ; nommé Savardin, ce
malheureux prêtre dissident, grand chambardeur du nouveau clergé, s’était
réfugié chez les Ursulines déguisé en femme et s’y croyait bien caché. Il a été
reconnu par une femme même qui l’a livré à la multitude furieuse. En un moment
il a été accroché à une lanterne avec ses habits de femme, en mantelet noir et
jupon blanc. »
On accuse La Fayette de trahison : Robespierre et Marat
affirment que « Blondinet » prépare un coup d’État. Marat est le plus
violent dans ces réquisitoires. Et, dans L’Ami du peuple , il invite les
soldats à se débarrasser de tous les chefs suspects, à leur réserver le sort du
général Dillon.
C’est « le désordre des opinions », dit le rapport
d’une « mouche » de police qui arpente les faubourgs, surprend les
conversations, se mêle aux cortèges.
« On crie partout que le roi nous trahit, que les
généraux nous trahissent, qu’il ne faut se fier à personne ; que le comité
autrichien de Madame Veto a été démasqué en flagrant délit ; que Paris
sera pris dans six semaines par l’armée des princes et des rois. »
Les Jacobins se déchirent Brissot, Vergniaud attaquent
Robespierre qui a invoqué « le Dieu tout-puissant », pour l’appeler à
protéger « ces lois éternelles que tu gravas dans nos cœurs ». Il a
condamné la formation d’un camp de vingt mille hommes, des fédérés venus
de tous les départements, qui sera créé sous les murs de Paris. C’est la grande
idée des brissotins. Ils craignent de ne pas contrôler les gardes nationaux
parisiens et les sans-culottes, les uns soupçonnés d’être trop « bourgeois »,
les autres influencés par Marat et Hébert.
Ces divisions entre « patriotes » font tourner les
têtes. On s’accuse d’être « factieux », « conspirateur ».
Et dans le journal de Brissot, Le Patriote français , on
a pu lire :
« Monsieur Robespierre a entièrement levé le masque, il
est un digne émule des meneurs autrichiens du côté droit de l’Assemblée
nationale. »
Louis est à la fois satisfait de ces divisions au sein du
camp des « patriotes » et inquiet. Il craint que Girondins et
Montagnards, dans leur volonté de se montrer plus déterminés les uns que les
autres aux yeux du peuple, ne prennent la famille royale pour cible.
Et ces rivalités conduisent à la guerre civile.
Il y a ce décret que l’Assemblée a voté qui autorise la
déportation des prêtres réfractaires, dès lors qu’elle est demandée par vingt
citoyens actifs.
Louis ne peut l’accepter. Il utilisera son droit de veto. De
même, il refuse que l’on rassemble à Paris vingt mille fédérés au moment même
où l’on dissout la garde royale. Et il usera aussi de son droit de veto contre
ce projet. Déjà, on manifeste contre ses décisions. Et puisqu’une pétition de
huit mille noms se déclare hostile à ce projet de rassemblement des fédérés, on
lui oppose une pétition de vingt mille sans-culottes, qui se disent heureux et
fiers d’accueillir les citoyens fédérés venus des départements.
Louis ne veut pas céder.
Il a la certitude que dès lors que la guerre a commencé, l’affrontement
violent à l’intérieur de la nation est inéluctable. Et c’est pourquoi il a
hésité à choisir, comme les Girondins mais pour des raisons contraires, la
politique du pire, c’est-à-dire la guerre.
Il sait que Marie-Antoinette est tout entière engagée dans
cette voie. Mais elle refuse les propositions de La Fayette, qui prétend
vouloir défendre les prérogatives royales, et veut être le champion du retour à
l’ordre, d’abord dans l’armée puis dans le royaume. Marie-Antoinette hait La
Fayette, et Louis se
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