Révolution française Tome 2
s’en
servir et oublier le passé. Son intérêt est intimement lié au vôtre et au
rétablissement de votre autorité comme régente. »
Mais il faut être loin de la France pour imaginer une telle
issue. En fait, pour la première fois en cette fin du mois de mars 1793, la
voix forte et écoutée de Robespierre a réclamé, par conviction et par habileté,
pour « ranimer l’ardeur révolutionnaire », la tête de
Marie-Antoinette.
Marat de son côté, à la tribune du club des Jacobins qu’il
préside, demande la « destruction » de tous les députés qui ont
proposé l’appel au peuple lors du procès de Louis XVI. Or, les Girondins
ont tous été des « appelants » !
Il faut choisir son camp.
Et Danton, qui a tenté jusqu’au bout de ne pas rompre avec
les Girondins, sent que, pour se sauver lui-même, il doit, à nouveau, suivre
Robespierre et Marat. Il monte à la tribune des Jacobins, le visage empourpré, les
veines de son cou gonflées de sang et de violence. Sa voix puissante s’élève.
Il rappelle qu’il a dit, autrefois, en septembre 1792, au
temps des massacres : « Eh, que m’importe ma réputation ! Que la
France soit libre et que mon sang soit flétri ! Que m’importe d’être
appelé buveur de sang ! Eh bien, buvons le sang des ennemis s’il le faut ! »
Et haussant encore la voix, plus menaçant, il lance :
« Eh bien, je crois qu’il n’est plus de trêve entre la
Montagne, entre les patriotes qui ont voulu la mort du tyran et les lâches qui
en voulant le sauver, nous ont calomniés, dans toute la France. »
La tension est à son comble.
Les rumeurs les plus contradictoires se répandent dans Paris.
On dit que l’armée de Dumouriez marche sur la capitale.
« Ce matin, à huit heures, des rappels nombreux ont
fait courir aux armes et jeté l’alarme dans tous les cœurs.
« Les uns disaient qu’une partie de la Convention
poursuivie par la peur avait quitté son poste. Les autres débitaient que les
hussards étaient en pleine insurrection. Chacun faisait sa nouvelle et il
résultait de cette confusion une cruelle incertitude sur le véritable état des
choses.
« Nous avons été sous les armes depuis dix heures jusqu’à
ce moment, sept heures du soir, et nous ne savons autre chose de ce grand mouvement
sinon qu’on visite partout pour découvrir les émigrés et des armes cachées dans
les maisons suspectes.
« En effet, des commissaires accompagnés de nombreuses
patrouilles se sont portés dans les maisons et sont encore occupés, dans le
moment que nous écrivons, aux visites domiciliaires qui doivent cesser avec le
jour.
« Les barrières sont fermées et les rues barricadées. On
ne laisse passer aucun citoyen qui ne soit muni de sa carte.
« Ces extrêmes précautions suggérées sans doute par la
nécessité ont paru rigoureuses et ne peuvent être justifiées que par le danger
de la chose publique. Salus populi suprema lux esto. Soit. Mais combien
d’honnêtes artisans, d’utiles commerçants, et nos femmes timides souffrent de
ces grands mouvements révolutionnaires et désirent une Constitution qui en
arrête le cours rapide et destructeur. »
Le Bulletin national, en publiant cet article le 29
mars 1793, exprime les sentiments de ceux qui, gardes nationaux, répondant à l’appel
aux armes de leur section, sont des modérés qui veulent sauvegarder les
propriétés, souhaitent un retour à l’ordre, non pas celui, ancien, de la
monarchie, mais celui d’une République apaisée, où la loi l’emporte sur le
désordre révolutionnaire.
Mais dans les sections, et à la Convention ou aux Jacobins, ces
hommes-là n’osent pas prendre la parole, craignant d’être aussitôt suspects. Et,
en ces jours où la République est prise dans l’étau des armées de la coalition
et des insurgés vendéens, ces « modérés » se rapprochent des
Montagnards, car ils veulent sauver la République.
Ils soutiennent la constitution, le 6 avril, du Comité de
salut public, dont les premiers membres sont en majorité issus des bancs de la
Plaine, et des hommes qui ne se sont ralliés à aucun camp. Les seuls
Montagnards avérés sont Danton et Delacroix, et encore ce dernier n’est-il que
depuis peu montagnard.
Mais les députés de la Plaine (Barère, Cambon) membres du
Comité de salut public veulent eux aussi, comme les Montagnards, défendre la
Révolution.
Lorsque Barère reçoit la lettre que lui adresse, à la
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