Révolution française Tome 2
les victimes. »
Les députés se rebiffent et Marat qu’on traitait de « monstre
incendiaire » est tout à coup écouté, porté à la présidence des Jacobins, d’où
il lance ses appels à l’action :
« Frères et amis, les maux de la République sont au
comble. Et le moment est venu où le courage des républicains doit éclater. Que
la nation se lève, que les députés s’expliquent et fassent justice de Brissot, de
Vergniaud, du général Dumouriez, de tous les autres généraux conspirateurs et
fonctionnaires publics traîtres à la nation… »
Il interpelle Danton :
« Je le somme de monter ici à la tribune, et de
déchirer le voile des trahisons qui nous environnent… »
Et tout à coup, il tire brusquement de dessous sa
houppelande un poignard long d’une coudée et l’agite devant les yeux des
citoyens rassemblés au club des Jacobins :
« Voilà l’arme avec laquelle je jure d’exterminer les
traîtres, s’écrie Marat. Voilà l’arme que je vous invite à fabriquer pour les
citoyens qui ne sont point au fait des évolutions militaires. Je vous propose d’ouvrir
une souscription et je vais moi-même vous donner l’exemple. »
L’assistance est fascinée par ce discours, ces gestes, cette
énergie :
« Formez donc une armée centrale qui marchera contre
les royalistes et les modérés, reprend Marat ; nommez le chef et vous
aurez la victoire », lance-t-il en brandissant son poignard.
« Oui, oui, Marat, tu seras notre chef », crient
les Jacobins en jetant en l’air chapeaux et bonnets phrygiens.
« Comptez sur ma surveillance, conclut Marat. Nous
devons frapper de grands coups, je vous avertirai aussitôt qu’il en sera temps. »
Le 15 mars, Danton et le député Delacroix sont partis en
Belgique pour rencontrer Dumouriez.
Les Montagnards suspectent Danton de conspirer avec le
général. Ne l’a-t-il pas toujours défendu ?
Danton, partisan de l’occupation, voire de l’annexion, de la
Belgique a poussé Dumouriez à l’offensive. « Nous aurons des hommes, des
armes, des trésors de plus », a-t-il répété.
Et Delacroix a dit, cyniquement, aux soldats : « Vous
êtes sur un pays ennemi, housardez et dédommagez-vous de votre perte… Pillez, nous
partagerons et je vous soutiendrai dans la Convention. »
On a même accusé Delacroix d’avoir patronné à Liège une
fabrique de faux assignats.
Et ce sont ces Montagnards-là, qu’on envoie tenter de
convaincre ou de « garrotter » le général Dumouriez ! Il leur
suffit de quelques heures, pour comprendre que le général a choisi.
Il vient d’être battu – le 18 mars – par les troupes de
Saxe-Cobourg, à Neerwinden puis à Louvain.
Il abandonne la Belgique, traite avec les Autrichiens, invite
ses officiers, ses régiments, à marcher sur Paris, à en finir avec l’anarchie. Il
veut s’opposer aux violences des Enragés : « C’est mon armée que j’emploierai…
Plus de la moitié de la France veut un roi. »
Il reste à Danton et à Delacroix à regagner rapidement Paris,
à apprendre que Dumouriez est passé à l’ennemi avec son état-major après avoir
en vain essayé de convaincre ses troupes de le suivre soit à Paris, soit dans
le camp autrichien.
Un jeune colonel, Davout, commandant les bataillons de
volontaires de l’Yonne, a fait ouvrir le feu sur Dumouriez, et celui-ci, entouré
de dragons autrichiens, entraînant avec lui bon nombre d’officiers, et surtout
Louis-Philippe ci-devant duc de Chartres, n’a trouvé son salut qu’en galopant à
bride abattue à travers champs !
À Paris, avant que cette trahison ne soit connue, c’est déjà
le temps des suspects.
Les sans-culottes des comités de surveillance exigent des
citoyens qu’ils produisent des « certificats de civisme, de garde montée, de
quittance d’une fonction, de passeports visés… On a soumis l’entrée et la
sortie de Paris à une très grande rigueur à cause de nombreux malveillants qui
se sont glissés dans la ville et après lesquels on court de tous côtés. Si vous
n’êtes pas en règle on vous prend pour un de ceux-là, et vous êtes arrêté comme
malveillant, au moins comme suspect. »
On est traduit devant le Tribunal révolutionnaire, condamné le
plus souvent. Les juges ne prononcent pas systématiquement la peine de mort. Mais
la guillotine est en place. Au mois de mars 1793, on décapite une dizaine de
condamnés à mort et les appels des Enragés
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