Révolution française Tome 2
des hommes en vertu de la
levée de trois cent mille hommes qui doivent se porter aux frontières.
Les paysans s’arment, se dressent contre ces « bourgeois »
des villes, ces « républicains » accapareurs, ces « sans-Dieu »
qui ont persécuté les « vrais » prêtres et soutenu les abbés
constitutionnels.
La violence se déchaîne. On frappe. On tue. On crucifie même.
On massacre.
À Machecoul, dimanche 10 mars, c’est le carnage. Il y aura
près de six cents tués. On extermine les patriotes de toute la région. Les
prisonniers attachés à une longue corde et formant « chapelet » sont
menés le long des douves du château, fusillés, achevés à coups de pique.
On voit surgir un Comité royal, qui dans une proclamation du
12 mars 1793 reconnaît Louis XVII comme souverain et refuse obéissance à la Convention.
Une « armée catholique et royale » se constitue, se
donnant des chefs, tel ce Cathelineau, colporteur, père de cinq enfants, qui s’écrie
à la nouvelle que dans les paroisses on s’en est pris aux « patriotes »,
aux prêtres assermentés, et qu’on refuse de « livrer » ses jeunes
hommes :
« Maintenant il faut aller jusqu’au bout, si nous en
restons là, notre pays va être écrasé par la République. »
On scande : « Vive Dieu ! Vive le roi ! »
On « enjoint aux habitants de Cholet de livrer leurs
armes aux commandants de l’armée chrétienne forte de trente mille hommes, promettant
dans ce cas seulement d’épargner les personnes et les propriétés », signé
Stofflet, commandant, Barbotin, aumônier.
Les insurgés, dans le brouillard épais de ces premiers jours
de mars, forment des masses noires et compactes, qui ne rencontrent que la
résistance de quelques centaines de gardes nationaux, vite massacrés ou mis en
fuite.
Et les paysans insurgés tirent les bourgeois républicains
hors de leurs domiciles et les massacrent.
On chante une Marseillaise retournée :
Aux armes, Poitevins, formez vos bataillons !
Marchons ! Le sang des Bleus rougira nos
sillons.
C’est la guerre dans ces départements, la guerre aux
frontières. Les journaux « patriotes » appellent aux armes :
« Debout ! Toujours debout républicains ! Toujours
armés, c’est le seul moyen de vivre libres ! Soyez fermes, vos ennemis
seront vaincus », lit-on dans Le Républicain.
Il faut brandir « le poignard vengeur qui purge la
patrie des monstres qui méditent son esclavage ».
À la tribune de la Convention, Maximilien Robespierre, malgré
les interruptions des députés girondins, propose de « changer le système
actuel de notre gouvernement ».
Mais il est obligé de se taire sous l’avalanche de
protestations, de cris, d’injures, de moqueries, et c’est le soir, au club des
Jacobins, qu’il s’exprime :
« J’ai été réduit à l’impuissance d’élever ma voix dans
la Convention à cause de la faiblesse de mon organe, avoue-t-il, je n’ai pu
faire retentir mes derniers accents sur les dangers qui menacent les patriotes. »
Les Jacobins l’acclament : Qu’il parle ! Qu’il
parle !
« Il faut, dit Maximilien, que l’exécution des lois
soit confiée à une commission si sûre que l’on ne puisse plus vous cacher ni le
nom des traîtres ni la trame de la trahison. »
2.
La trahison, en ce mois de mars 1793, Robespierre n’est pas
seul à la craindre, à la dénoncer.
Marat depuis longtemps déjà dévoile les « machinations
infernales » qui menacent la Révolution.
Il n’épargne personne, voit naître à chaque instant des
conspirations. Il lui suffit d’apprendre que Camille Desmoulins et un autre
Montagnard, Chabot, ont été invités à dîner par des généraux, pour qu’il les
avertisse, qu’« il ira à la tête de tous nos braves sans-culottes, relancer
ces sybarites et de la belle manière » et donner une leçon à ces citoyens « bien
connus pour avoir un estomac aristocratique ».
Il s’en prend au général Dumouriez, à son entourage d’officiers
monarchistes. Dumouriez n’a-t-il pas à son état-major Louis-Philippe Égalité, ci-devant
duc d’Orléans ?
Et n’est-ce pas ce Dumouriez qui dans une lettre à la
Convention vient d’accuser les députés de vouloir mener en Belgique « une
guerre criminelle » ? Il sermonne les représentants du peuple :
« Vous ne souffrirez pas, écrit le général, que vos armées soient
souillées par le crime et en deviennent
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