Révolution française Tome 2
des ordres :
« Qu’on ferme les barrières de Paris. Que l’on mette
les scellés sur toutes les presses des journalistes – et qu’à cet effet on en
donne l’ordre aux commissaires de police – et les journalistes en arrestation
ainsi que les députés traîtres. »
On conclut le message par ces mots :
« C’est l’avis de Robespierre et le nôtre. »
Mais Maximilien Robespierre ne signe pas le texte qui
portera le nom de Payan et celui du maire Fleuriot-Lescot.
On parle. On palabre plutôt, dans une atmosphère irréelle.
On dit qu’il faut « mettre le peuple en humeur ».
On décide l’« arrestation des indignes conspirateurs »
pour « délivrer la Convention de l’opposition où ils la retiennent ».
Saint-Just, debout, ne dit mot.
Il observe sur la place de Grève, devant l’Hôtel de Ville, les
gardes nationaux, les canonniers, qui piétinent, inactifs, auxquels personne ne
donne d’ordre.
Nombreux sont ceux qui, après des heures d’attente, commencent
à quitter la place.
Il aperçoit des agents de la Convention, ceints de leur
écharpe tricolore, qui vont et viennent, annoncent que de nombreuses sections
se sont ralliées à l’Assemblée, que l’École militaire de Mars a fait de même, que
ceux qui suivent les ordres de la Commune, de Robespierre, sont hors la loi, passibles
d’une exécution immédiate, sans jugement.
Les hommes peu à peu s’égaillent, et seule une poignée d’entre
eux demeure sur la place.
C’est le 10 thermidor, an II, vers deux heures du matin.
Dans la salle de l’Hôtel de Ville, Fleuriot-Lescot a établi
la liste des « ennemis du peuple », ces quatorze députés, parmi
lesquels Tallien, Fouché, Fréron, Carnot, « qui ont osé plus que Louis XVI,
puisqu’ils ont mis en arrestation les meilleurs patriotes ».
Ils sont décrétés hors la loi.
On entend la pluie d’averse qui en rafales frappe les vitres,
les pavés de la place, et qui tombe drue depuis minuit, chassant les derniers
gardes nationaux.
Ils ne sont plus que quelques-uns quand une petite colonne
de gendarmes, rassemblée par la Convention, après avoir longé les quais, parvient
place de Grève. Elle est conduite par Barras, qui en a pris le commandement, et
par le député Léonard Bourdon, qui fut longtemps proche d’Hébert.
Elle entre facilement dans l’Hôtel de Ville que plus
personne ne garde.
Aux gendarmes de la Convention se sont joints les gardes
nationaux des beaux quartiers, et des sans-culottes de la section des
Gravilliers, celle de l’Enragé Jacques Roux.
On entend plusieurs coups de feu.
Un gendarme – Méda ou Merda – a-t-il fracassé d’une balle la
mâchoire de Maximilien, ou bien celui-ci a-t-il tenté de se suicider ?
L’Incorruptible, joue déchirée, dents arrachées, ou brisées,
n’est plus qu’un corps pantelant qui tente avec du papier d’étancher le sang
qui macule son habit bleu, sa cravate blanche.
Et qu’on outrage, qu’on moque :
« Il me semble que Votre Majesté souffre ? Eh bien,
tu as perdu la parole ? Tu n’achèves pas ta motion ? »
Le corps de Le Bas est étendu sur le sol. Le Bas a réussi à
se faire sauter la cervelle.
Augustin Robespierre a tenté de s’enfuir par une corniche ou
bien s’est jeté par une fenêtre, mais n’est pas parvenu à mourir. On le
transporte le corps brisé, en l’insultant.
Hanriot est tombé ou a été précipité dans une cour de l’Hôtel
de Ville.
Saint-Just n’a esquissé aucun geste, ni pour fuir, ni pour
se défendre, ni pour se suicider.
On l’a arrêté sans brutalité, avec une sorte de respect pour
ce jeune homme singulier, et qui ne semblait pas surpris. On découvre Couthon, caché
sous une table, et on le jette dans l’escalier.
Si l’on en croit un témoin : « Couthon fut le
jouet de la populace depuis trois heures du matin jusqu’à six. Ils le prenaient
par le bras et le soulevaient en l’air, ils le laissaient tomber en faisant de
grands éclats de rire. Ils le conduisaient ainsi de culbute en culbute jusqu’au
parapet du quai pour le jeter tout vivant ou à moitié mort dans la rivière, mais
le plus grand nombre criait de le garder pour la guillotine. Il fut donc ramené
toujours en roulant et le culbutant à terre dans l’Hôtel de Ville. »
Mais cette nuit violente, tragique, décisive du 9 au 10
thermidor an II, avait été calme dans la plupart des quartiers de Paris.
L’Opéra et l’Opéra-Comique,
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