Révolution française Tome 2
dont certains n’ont pas dix-sept ans.
Ils attaquent le club des Jacobins, rue Saint-Honoré. Ils
jettent une grêle de pierres dans les croisées, ce qui provoque la panique dans
les tribunes.
« On veut nous tuer, on veut nous assommer », crient
les femmes en s’enfuyant.
« Ce sont des scélérats, des coquins, il faut les
égorger », répond la petite foule qui frappe à coups de sabre sur la tête
et les épaules ceux qui sortent du club.
« Eh ma bougresse, toi je te connais », dit l’un
des jeunes gens en donnant des coups de pied à la citoyenne Caudry, originaire
de Nantes.
Elle est cernée par deux cents hommes armés de bâtons qui « voulurent
lever sa jupe et la fouetter ».
Le 20 brumaire (10 novembre 1794), une nouvelle escarmouche
oppose aux abords du club Jacobins et Jeunesse dorée.
Et le lendemain 21 brumaire, le bruit se répand que les
Jacobins s’apprêtent à marcher contre la Convention.
Fréron est au Palais-Royal, il harangue les muscadins venus
en grand nombre :
« Pendant que les Jacobins discutent sur la question de
savoir s’ils vous égorgeront dans la rue ou à domicile, dit-il, prévenons-les tandis
qu’il est encore temps ! Marchons en colonnes serrées, allons surprendre
la bête dans son antre et mettons-la pour jamais dans l’incapacité de nous
nuire. Braves jeunes gens, marchons ! »
Ils sont près de deux mille à se diriger vers le club des
Jacobins, à crier « Vive la Convention ! A bas les Jacobins ! »,
à tenter de forcer les portes de la salle, à y pénétrer par les fenêtres.
Les Jacobins ont le dessous. Ils abandonnent sur place
carmagnoles et bonnets rouges, et s’enfuient par la rue Saint-Honoré, insultés,
sous les crachats et les coups de plat de sabre ou de gourdin.
Le 22 brumaire (12 novembre), la Convention décide la
fermeture du club des Jacobins.
L’« infortunée jacobinaille » est dispersée. L’« infernale
société » fermée.
On se gausse dans les pamphlets thermidoriens.
« De vigoureux athlètes munis de larges mains
saisissent les Jacobines éplorées et sans pitié pour leur vertu, sans égard
pour le froid de l’air, découvrent leur postérieur oppressé. »
Il s’agissait de venger les bonnes sœurs de l’Hôtel-Dieu qui
avaient été fouettées par les femmes de la Halle, le 7 avril 1791…
Une époque de la Révolution se termine.
Le club des Cordeliers avait été frappé à mort par le club
des Jacobins.
Celui-ci est à son tour annihilé. Comme Robespierre avait
rejoint dans la mort Danton.
La voie est libre pour les Thermidoriens.
On prétend que Thérésa Cabarrus, Notre-Dame de Thermidor, Notre-Dame
du Bon Secours, devenue épouse Tallien, a elle-même fermé les portes du club
des Jacobins. En fait, c’est un commissaire de police qui a apposé un cadenas
sur la porte de la rue Saint-Honoré. Mais la fable, après la scène des « Jacobines
fessées », est symbolique.
Le journaliste Claude Beaulieu, monarchiste, emprisonné sous
la Terreur, promis à la guillotine, sauvé par la chute de Robespierre, commente,
sarcastique :
« Voilà de quelle manière se décidait le sort de la
France et même de l’Europe car c’était précisément de cela qu’il était question. »
Mais désormais les Thermidoriens peuvent agir sans entraves.
Les mesures se succèdent.
Les députés girondins survivants sont accueillis à la
Convention. Et dans leurs yeux et leurs propos brille le désir de vengeance et
de revanche :
« Votre cercueil est creusé, malheureux, lancent-ils
aux Montagnards du Comité de salut public. Vous vous débattez en vain sur les
bords de la tombe… Point de paix pour la patrie tant que votre odieuse
existence souillera la nature. »
Carrier est décrété d’arrestation, pour ses « crimes »
de Nantes.
Après lui, ce sont les « grands coupables » que l’on
vise.
Dans Le Patriote, journal thermidorien, on peut lire :
Lequel fut le plus sanguinaire
De Billaud, d’Herbois ou Barère ?
Lequel des trois est aux abois
De Billaud, Barère ou d’Herbois ?
Lequel mérite l’échafaud ?
Le 27 décembre, ces trois-là, en compagnie de Vadier, sont
décrétés d’accusation. Leur participation active, décisive même, à la chute de
Robespierre, n’a fait que retarder leur mise en cause.
Et la passion politique, la volonté d’en finir avec ces
hommes qui ont seulement voulu condamner le « tyran »
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