Sarah
laves. Je te montrerai le fourneau, là-bas au
fond de la chambre.
De fait, la chambre rouge possédait tout ce
qu’il fallait pour que les femmes puissent y vivre sept jours sans jamais en
sortir. Les couches y étaient confortables, les fruits, les viandes, le fromage
et les gâteaux étaient fournis en abondance par les femmes demeurées au-dehors.
Des paniers regorgeaient de laine filée et des cadres de tissage tendaient des
ouvrages déjà bien avancés.
Comme Sililli ne devait sa présence dans la
chambre rouge qu’à l’initiation de Saraï, elle ne put y dormir cette nuit-là ni
les suivantes. Avant de rejoindre la cour des femmes, elle prépara une tisane
qu’elle fit boire à Saraï dans une coupe fumante.
— Ainsi tu n’auras pas mal au ventre
cette nuit. Les lèvres douces de Sililli se posèrent avec tendresse sur ses
tempes.
— Je n’ai le droit de revenir dans la
chambre rouge que le soir au crépuscule. Si quelque chose ne va pas, demande à
tante Égimé. Comme tu as vu, elle grince, mais elle t’aime bien.
Sans doute avait-elle mis autre chose dans
son breuvage que des herbes pour soigner le ventre. Peu de temps après son
départ, Saraï s’endormit d’un sommeil qu’aucun mauvais rêve ne vint troubler.
Quand elle se réveilla, ses tantes et les
servantes s’activaient déjà. Malgré la pénombre, leurs doigts tissaient avec
autant d’aisance que sous le soleil. Elles bavardaient comme les oiseaux
pépient, ne s’interrompant que pour rire ou se gronder avec entrain.
Égimé ordonna à Saraï d’aller remercier
Nintu et de déposer quelques offrandes de nourriture sur l’autel. Ensuite la
jeune fille se lava dans le bassin où une servante vint verser des huiles puis
enduire son ventre et ses cuisses d’une pommade parfumée.
Lorsqu’elle fut propre, Égimé s’approcha
pour lui demander si elle saignait toujours et avec régularité. Après quoi,
Saraï put se rassasier de lait de brebis, de fromage de vache à peine caillé,
mélangé de miel, de pain d’orge trempé dans du jus de viande que l’on tartinait
de dattes broyées, d’abricots et de pêches.
Cependant, alors qu’elle s’apprêtait à
aider au tissage, pour apprendre à passer les fuseaux entre les fils des trames
les plus subtiles, ses jeunes tantes dressèrent devant elle une haute plaque de
bronze.
Saraï, étonnée, les observa sans
comprendre.
— Ôte ta tunique, nous allons te dire
à quoi tu ressembles.
— À quoi je ressemble ?
— Exactement. Tu vas te regarder toute
nue dans le miroir et nous nous allons te dire ce que va voir ton futur époux
quand il te parfumera avec l’onguent du mariage.
Ces mots glacèrent le ventre de Saraï plus
que le bain du matin. Elle jeta un regard à Égimé. Sans cesser son ouvrage, la
vieille tante hocha la tête avec un sourire qui avait le poids d’un ordre.
Saraï haussa les épaules avec un dédain
qu’elle était bien loin de ressentir. Elle regretta l’absence de Sililli. En sa
présence, jamais ses jeunes tantes ne s’autorisaient à se moquer d’elle.
D’un mouvement brusque, elle se débarrassa
de sa tunique. Tandis que les femmes s’asseyaient autour d’elle en gloussant,
elle affecta de mettre dans ses gestes et sur son visage autant d’indifférence
qu’elle le pouvait.
— Tourne-toi doucement, ordonna l’une
des tantes, que l’on puisse bien te voir.
Sa silhouette s’anima dans le cuivre du
miroir. En vérité, elle ne se voyait guère elle-même tant la lumière était
maigre. Égimé fut la première à commenter le spectacle qu’elle offrait :
— Le sang des épouses coule de son
ventre, mais il faut bien admettre que ce n’est qu’une enfant. S’il veut goûter
son gâteau de miel dès le jour de l’onguent, le futur époux ne sera pas trop
gâté.
— Je n’ai que douze ans et deux
saisons ! protesta Saraï, sentant la colère lui chauffer la poitrine. Bien
sûr que je suis une enfant !
— Mais ses cuisses sont fines et bien
galbées, intervint l’une des servantes. On voit qu’elle aura de belles jambes.
— Son pied restera petit, et ses mains
aussi, dit une autre. Ce qui sera certainement gracieux.
— Est-ce qu’un époux s’intéresse aux
pieds et aux mains de son épouse le jour de l’onguent ? grommela Égimé.
— Si tu penses à ses fesses, ma sœur,
il en aura pour son plateau d’argent. Regarde comme elles sont hautes et bien
dures. On dirait de petites calebasses
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