Sarah
mot,
Sililli l’entraîna dans l’escalier menant aux chambres des femmes. Le blanc des
murs y était encore plus éblouissant que celui de la cour. Saraï se laissa
conduire comme une aveugle. Sous ses pieds, les marches de l’escalier
paraissaient plus nombreuses qu’elle n’en avait le souvenir. Elle ouvrit les
yeux sur la terrasse supérieure de la maison. Sililli poussa une porte en cèdre
si neuve qu’elle sentait encore la résine.
— Entre !
La main levée au-dessus de ses yeux, Saraï
hésita. La porte ne semblait ouvrir que sur une ombre béante.
— Entre donc ! répéta Sililli.
La pièce était spacieuse, plus longue que
large. Elle possédait une fenêtre carrée qui laissait pénétrer le soleil du
matin. Au-dessous, le mur formait une banquette recouverte d’une natte. Le sol
était de briques rouges huilées et le plafond, haut, fait de roseaux fins, soigneusement
liés aux poutres équarries. Tout était neuf. Les deux lits, le grand comme le
petit, ainsi qu’un énorme coffre peint renforcé de clous d’argent. Un cadre de
tissage, neuf lui aussi, était repoussé contre un mur. Les vases, les bols et
les coupes disposés sur une claie dans un angle de la pièce n’avaient jamais
servi, pas plus que le foyer de terre cuite n’avait été léché par la moindre
flamme.
— N’est-ce pas magnifique ? C’est
ton père qui a voulu que les choses soient ainsi.
Les joues de Sililli étaient rouges
d’excitation. Dans un flot de paroles, elle raconta comment Ichbi Sum-Usur
avait pressé les menuisiers et les maçons afin que toutes ces merveilles soient
prêtes pour le jour où Saraï quitterait la chambre rouge.
— Il a pris soin de tout ! Il est
venu décider lui-même de la hauteur des murs. Il a dit : « C’est la
première de mes filles que je marie. Rien ne sera trop beau. Je veux que sa
chambre d’épouse soit la plus haute et la plus belle de la cour des
femmes ! »
Une bizarre sensation serpenta dans la
gorge de Saraï. Elle avait envie de partager la joie de Sililli et en même
temps sa poitrine était si contractée qu’elle peinait à trouver son souffle.
Elle ne pouvait détacher les yeux du grand lit. Sililli avait raison, c’était
le plus beau qu’elle ait vu. En platane, le châlit possédait de larges pieds où
les figures du zodiaque avaient été sculptées avec délicatesse. Sur la large
planche sombre qui, au bout, retenait des peaux de mouton d’un blanc immaculé,
une silhouette de Nintu était peinte de rouge.
— Il y a chacun des mois des quatre
saisons, commenta Sililli, qui frôla de l’index le dessin du Poisson-Chèvre, la
constellation de Mul suhur. Afin que chacun te soit favorable.
Elle désigna le petit lit disposé dans
l’autre angle de la pièce et ajouta :
— Celui-ci est pour moi. Il est neuf
aussi. Bien sûr, je n’y dormirai que les nuits où tu seras seule.
Saraï évita son regard. Mais Sililli n’en
avait pas fini avec son bonheur. Elle fit claquer les ferrures d’argent du
grand coffre, souleva le battant de bois épais, dévoilant un amas d’étoffes et
de châles.
— Un coffre plein, cela aussi, ton
père l’a voulu ! Regarde ces beaux tissages ! Des rakutus de
lin si fin que l’on croirait de la peau de bébé. Et ça…
Elle ouvrit une pochette de cuir. Toutes
sortes de fibules, bracelets, broches de cheveux en bois et argent cliquetèrent
sur les peaux de mouton. Sililli s’agita encore. En quelques gestes habiles,
elle déploya l’une des étoffes autour de Saraï, la drapant en une toge aux plis
parfaits qui, selon la règle, laissait l’épaule gauche dénudée.
Elle recula d’un pas, mais Saraï ne lui
laissa pas le temps d’admirer son œuvre. Elle retira le tissu de la toge et le
laissa tomber sur le lit, demandant d’une voix plus tremblante qu’elle ne
l’aurait voulu :
— Sais-tu qui il va être ?
— Saraï… Mais de quoi parles-tu ?
— De lui. De celui que mon père m’a
choisi pour époux. Celui qui va se coucher dans ce grand lit avec moi.
Les rides revinrent sur le front de Sililli
et un gros soupir fit trembler sa poitrine. Elle reprit machinalement le tissu
abandonné par Saraï pour le replier soigneusement.
— Comment le saurais-je ? Ce
n’est pas à une servante que ton père confie ces choses-là.
— Est-il déjà arrivé dans la
maison ? s’énerva Saraï. Tu dois au moins savoir ça.
— Il n’est pas coutume que le marié et
son père
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