Satan à St Mary le bow
enfoncées dans les larges manches épaisses de sa robe de bure. Son regard parcourut le cloître, mais celui-ci était désert, à part le vieux moine et un corbeau qui arpentait le sol, picorant de son bec cruel l’herbe tendre et clairsemée. Il continua vers le coin sud-est du cloître et s’assit sur un mur bas, la tête inclinée comme en une prière silencieuse pendant que ses mains examinaient désespérément les pierres sous lui. Il la trouva enfin, cette brique lâche qu’on pouvait enlever et remettre. Il fit mine de laisser tomber quelque chose et s’accroupit pour le chercher. Il vit que la brique était totalement dépourvue de plâtre et qu’elle laissait un petit espace vide quand on l’enlevait.
Il y glissa la main, mais ne trouva rien ; il respirait lentement pour calmer son excitation, et faillit hurler lorsqu’on lui frappa sur l’épaule. Il se retourna d’un bond, mettant la main à son poignard, caché sous sa cape, mais ce n’était que le vieux moine, un sourire édenté sur ses lèvres luisantes, le regard vide cherchant de la compagnie. Corbett dit rapidement un Benedicite et le vieillard salua et s’éloigna d’un pas traînant en marmonnant. Corbett le regarda partir, puis jeta un regard furtif au cloître. Toujours personne. Était-il arrivé trop tard ce jour-là ? Il décida de rester, et, enjambant le muret, se dirigea vers l’autre bout du cloître, envahi de buissons et de mauvaises herbes. Il s’y fraya un chemin, indifférent aux grandes feuilles froides et humides qui trempaient sa robe de bure de leurs gouttelettes glaciales. Certain d’être dissimulé aux regards, il se cacha et se mit à faire le guet.
Le cloître restait désert, les moines de l’abbaye travaillant dans le scriptorium ou vaquant à d’autres tâches. Le moine âgé revint quelques instants et d’autres passèrent également : des serviteurs, des frères lais, des clercs de l’abbaye, mais aucun ne s’attarda. Il faisait vraiment froid et Corbett se demanda combien de temps il allait demeurer là : ses jambes et ses pieds étaient gelés et son corps semblait pris dans un étau de glace. Les vêpres commençaient à sonner lorsqu’une silhouette encapuchonnée entra soudain dans le cloître et se dirigea rapidement vers l’endroit où Corbett s’était assis quelque temps auparavant. Après un coup d’oeil à la ronde, l’inconnu se baissa pour enlever la brique et fouiller la cache. Il se redressa ensuite et revint hâtivement sur ses pas, repartant par où il était venu. Hugh n’avait pu apercevoir le visage dissimulé sous le capuchon, aussi attendit-il que l’homme eût quitté le cloître avant de le suivre.
Il pénétra à nouveau dans l’abbaye qui s’assombrissait et vit la silhouette traverser furtivement la nef pour se diriger vers une petite porte entrebâillée dans le mur nord, et s’y engouffrer, sans même jeter un coup d’oeil en arrière. Corbett s’arrêta pour reprendre haleine puis continua la poursuite. Il s’aperçut alors qu’il se trouvait dans un espace désert entre l’abbaye et le palais, occupé à présent par les différents échafaudages et fours à briques laissés par les ouvriers achevant les travaux sur le mur d’enceinte nord de l’abbaye. Corbett sentit que sa proie pourrait lui échapper dans le crépuscule proche, aussi pressa-t-il le pas, toujours en silence. L’inconnu, alerté par un bruit, se retournait lorsque Corbett l’agrippa fermement par l’épaule. L’homme se dégagea et recula.
— Qu’y a-t-il ? Que voulez-vous ? Sa voix trahissait la peur. Corbett rabattit son propre capuchon pour révéler son identité.
— Eh bien, Messire Hubert Seagrave ! dit-il. Ce n’est que moi, Hugh Corbett ! Je pensais bien avoir reconnu votre voix.
Il s’approcha :
— C’est bien Messire Hubert de la Chancellerie, n’est-ce pas ?
Deux mains potelées, molles et blanches firent glisser le capuchon et Hubert, lèvres pincées, fixa Corbett d’un regard glacial.
— Messire Corbett, chuchota-t-il, pourquoi êtes-vous là à rôder dans le noir ?
Hubert prit un air de jeune fille effarouchée :
— Me preniez-vous pour quelqu’un d’autre ?
— Où étiez-vous à l’instant ? interrogea Corbett.
— À mes prières. En quoi cela vous regarde-t-il ?
— Des prières !
Corbett sentit la colère battre à ses tempes.
— Impossible, Messire Hubert. Je doute fort que vous ne priiez jamais. Vous
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