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Sedan durant la guerre de 1914 à 1918

Sedan durant la guerre de 1914 à 1918

Titel: Sedan durant la guerre de 1914 à 1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henry Rouy
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est si grand que, malgré la triste mine de notre mets, chacun se précipite autour de la marmite fumante. Le repas fut bientôt terminé ; alors apparut un seau plein d’eau et placé au milieu de la salle où les uns et les autres purent venir se désaltérer. La fatigue était telle que, quand chacun eut pris ce peu de nourriture, on se jeta de nouveau sur la couche de fumier et l’on dormit jusqu’au lendemain 28, à une heure du matin, — heure à laquelle on nous servit notre deuxième repas, semblable à celui de la veille.
    Vers quatre heures du matin, officiers et médecins pénètrent dans notre salle : les uns pour panser les blessés, et les autres pour s’entretenir avec les soldats français.
    Dans ces colloques, on fit entendre aux prisonniers que les quatre civils allaient être fusillés, à midi, le même jour. Un brave sergent français eut assez d’énergie et de courage pour nous annoncer cette triste nouvelle. Ce fut, pour chacun de nous, un moment angoissant. La première émotion passée, nous fîmes généreusement à Dieu, le sacrifice de notre vie.
    Nous demandons un prêtre pour nous assister ; il nous est refusé. Alors, nous dépouillant de tout ce que nous avons de précieux sur nous, nous en confions le dépôt aux soldats, afin que, lorsqu’ils auront recouvré leur liberté, ils le rendent à nos familles. Ces préparatifs achevés, nous ne pensons plus qu’à mourir. — Le Ciel se contenta de notre générosité : le crime ne fut pas consommé !
    Une heure avant son exécution, c’est-à-dire vers onze heures, un des Allemands qui nous avaient arrêtés à Donchery entre dans notre prison ; il devait nous sauver. Nous lui exposons notre situation, et il n’hésite point à reconnaître que nous sommes parfaitement innocents. Sur-le-champ il se fait notre avocat, et c’est ainsi que nous échappons à une mort certaine.
    Cette journée du 28 qui aurait dû être la dernière pour nous, se termina sans autres incidents.
    Notre innocence reconnue, nous croyions bien qu’on allait nous rendre la liberté ; il n’en fut rien ce jour-là.
    29 août. La délivrance.
    Le 29, dès une heure du matin, comme les deux jours précédents, on nous servit les pommes de terre ; ce repas devait être le dernier dans ce lieu ; c’était le repas du départ, sans que personne s’en doutât.
    Vers quatre heures du matin, un capitaine d’artillerie allemand, parlant parfaitement le français vint, comme les jours précédents, s’entretenir avec les soldats français. Il se mit à leur faire l’apologie de l’Allemagne. « Vos journaux français vous trompent, dit-il ; ils représentent l’Allemagne comme une nation barbare ; ils insinuent que c’est nous qui avons déclaré la guerre. C’est précisément le contraire qui est la vérité : c’est pour plaire à la Russie que la France s’est armée contre la nation allemande. Nous ne sommes pas davantage des barbares ; nous ne faisons point la guerre aux civils, mais aux soldats pour nous défendre. »
    Le moment était propice. M. Gilbert le saisit aussitôt. S’adressant à l’officier allemand : « Monsieur lui dit-il, montrez que vos paroles ne sont pas vaines ! Nous sommes ici quatre civils pris à Donchery ; depuis quatre jours, on nous tient captifs ; pendant ces quatre journées nous avons souffert physiquement et moralement. Si vous pouvez nous convaincre de la moindre faute, nous nous soumettons à la rigueur des lois de la guerre, mais si vous reconnaissez que nous sommes innocents, vous devez nous rendre la liberté. »
    Pris à son propre piège, notre capitaine s’exécuta. Il quitta aussitôt la salle et alla statuer sur notre sort. Une heure environ après cet entretien, sans que notre avocat eût reparu, tous les prisonniers tant civils que militaires, étaient rangés par files de quatre, entourés d’une corde, les civils en tête, et... en route pour l’Allemagne par la Belgique !
    Après deux heures d’une marche pénible, sur une route poudreuse, bordée de chaque côté de brancardiers allemands, qui s’occupent à ramasser et ensevelir leurs morts, et aussi à insulter les malheureux Français captifs, nous arrivons au lieu dit : Ban d’Alle ; nous nous y arrêtons pour boire un verre d’eau. Pendant cette courte halte sonna, pour les quatre civils, l’heure de la délivrance. Durant notre repos, une automobile, allant à grande allure et dans le même sens que la colonne, s’arrêta net et

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