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Sedan durant la guerre de 1914 à 1918

Sedan durant la guerre de 1914 à 1918

Titel: Sedan durant la guerre de 1914 à 1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henry Rouy
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réponse, on serre un peu plus ses liens et on le pousse à coups de crosse de fusil ! Les autres civils protestent à leur tour et demandent qu’au moins on leur permette de prendre leurs quelques effets restés dans la maison Rennesson ; les tortionnaires sont impitoyables ; ils ne lâchent pas leurs victimes.
    Tous ces préliminaires terminés, commence la route du calvaire !
    Partis de Donchery à une heure du matin, nous atteignons Torcy vers deux heures. Sur le point de franchir le passage à niveau, nos bourreaux s’arrêtent. Ils avaient cru pouvoir atteindre Saint-Menges sans traverser Sedan. Déçus dans leur espérance, ils nous font faire demi-tour et nous ramènent à Donchery par une pluie battante.
    Chute du capitaine Chevalot.
    En revenant sur Donchery, un nouvel arrêt se produit occasionné par un encombrement de cavaliers, de caissons et de véhicules de tout genre. En cet instant, un de nos malheureux compagnons se sent faiblir ; il prie ses voisins de le soutenir et de lui délier les mains : c’est le digne M. Chevalot qui ne peut plus résister à la fatigue, aux émotions et aux privations de toute nature. — Ce voyage lui rappelait trop aussi la voie douloureuse, qu’il avait suivie, comme prisonnier de Sedan, 44 ans plus tôt. M. Gilbert, ayant réussi à dégager ses mains, s’empresse de secourir le malade, en l’étendant de tout son long pour lui faciliter la respiration et la circulation.
    M. Rambourg s’empresse, lui aussi, autour du patient : avec son canif, il coupe la corde qui lie toujours le pauvre capitaine.
    Malheureusement la route est redevenue libre, et un formidable « en avant » nous force à continuer. Le malade, remis sur ses jambes, ne peut faire que quelques pas et se laisse choir de nouveau. Quel parti prendre ? — Pour les Allemands la question est vite résolue : asseoir le patient sur le bord du fossé et l’abandonner là sans secours !...
    En cette triste extrémité, nos coeurs sont brisés de douleur, de pitié et saisis de sinistres appréhensions ; chacun de nous est, persuadé qu’il ne reverra plus notre brave ami. La Providence en avait décidé autrement. Le capitaine ne périt pas ; après avoir recouvré ses sens, et, sans savoir comment, il se transporta dans une roulotte qui se trouvait sur sa route, essuya plusieurs coups de feu sans être atteint, réussit à se glisser dans les rangs des troupes ennemies, qui ne firent aucune attention à lui, et il atteignit Sedan où nous devions le retrouver trois jours après.
    Passage de la Meuse sur un, pont de bateaux.
    Pleins d’angoisse, n’en pouvant plus de faim et de fatigue, nous dûmes poursuivre notre chemin vers Donchery.
    Arrivés en face de la maison dite : four à chaux, on nous fait quitter la route pour traverser la prairie. Parvenus aux bords de la Meuse, nous nous trouvons en face d’un pont de bateaux sur lequel défile l’artillerie ennemie. Pendant que cavaliers et canons franchissent le fleuve, la colonne des prisonniers est obligée, par la force, de s’asseoir dans l’herbe mouillée : depuis notre départ de Donchery la pluie n’a pas cessé de tomber ! Une demi-heure s’écoule dans ce pénible état, et notre tour arrive de passer sur le pont ; nous le franchissons à la lueur de l’incendie qui dévore nos maisons. Un dernier regard jeté sur notre Donchery, et nous disparaissons du côté de Ledancourt à destination de Saint-Menges où nous n’avions pu aller par Sedan.
    27 août. Saint-Menges.
    Toujours par une pluie torrentielle, nous atteignons Saint-Menges vers sept heures du matin. Nous stationnons sur la place pendant une grosse demi-heure, exposés à l’averse et aux insultes de la soldatesque allemande, qui campe sur la place. Les civils surtout sont l’objet de leurs railleries et même de leurs coups de pied ! Après avoir épuisé l’amertume de ce calice, nous sommes introduits dans la salle d’école dont le sol est recouvert d’une couche de paille, tenant plutôt du fumier que d’autre chose. C’est sur ce lit infect et improvisé que soldats et civils se jettent pour détendre leurs membres exténués par la marche et les privations. Le reste de la journée, chacun se livre aux plus sinistres réflexions. Nous n’avions rien pris depuis le mardi soir et nous étions au jeudi à onze heures du matin ! Ce n’est qu’à cette heure-là qu’on nous apporte quelques pommes de terre d’un goût plus que douteux. Notre besoin de manger

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