Sépulcre
l’ancien emplacement du sépulcre. L’herbe était mouillée, comme s’il avait plu récemment. Une sensation d’abandon, d’isolement émanait du sol même.
Meredith était déçue. Quelques pierres, les restes d’un mur, puis plus rien : le vide. De l’herbe à perte de vue.
Regarde de plus près, s’intima-t-elle.
Meredith scruta le sol. Elle remarqua alors que sa surface n’était pas entièrement plane. Avec un peu d’imagination, elle pouvait à peu près deviner l’empreinte du sépulcre. Une dépression d’environ six mètres de long sur trois mètres de large. Agrippant plus fort les poignées de la boîte, elle s’avança. Ce faisant, elle se rendit compte qu’elle avait soulevé le pied.
Comme si je franchissais un seuil.
Aussitôt, la lumière parut changer. Devenir plus dense, plus opaque. Le vent rugit plus fort dans ses oreilles : on aurait dit une note aiguë qui se répétait, ou le bourdonnement de fils téléphoniques dans la brise. Elle décela une discrète odeur d’encens, une senteur entêtante de pierres humides et de cérémonies anciennes.
Elle posa la boîte par terre, se redressa et regarda autour d’elle. Une brume légère semblait s’élever de la terre. Des points lumineux apparurent un à un pour se suspendre autour des contours de la ruine, comme si une main invisible allumait de minuscules bougies. Dans leurs halos, les murs disparus du sépulcre prenaient forme. À travers la brume, Meredith crut distinguer des lettres tracées par terre – C-A-D-E. Le sol, sous ses bottes, semblait aussi s’être transformé. L’herbe était remplacée par des dalles de pierre.
Meredith s’agenouilla, sans prendre garde à l’humidité qui transperçait son jean. Elle sortit les cartes et referma le coffret. Comme elle ne voulait pas salir les cartes, elle retira sa veste et l’étala sur la boîte à ouvrage. Elle battit les cartes, comme Laura lui avait enseigné à le faire à Paris, puis divisa le jeu en trois piles de la main gauche. Elle les rassembla – la pile du milieu d’abord, puis celle du dessus et celle du dessous – et plaça le jeu complet, face en dessous, sur sa table improvisée.
Je ne peux pas dormir.
Meredith était bien incapable de tenter une lecture toute seule. Chaque fois qu’elle consultait ses notes à ce sujet, elle était de plus en plus perplexe. Elle avait simplement l’intention de retourner les cartes – huit, peut-être, pour respecter la concordance de la musique et du lieu – jusqu’à ce qu’un schéma apparaisse.
Jusqu’à ce que les cartes, comme l’avait promis Léonie, lui racontent l’histoire.
Elle tira la première carte et sourit en découvrant les traits familiers de La Justice. Même après avoir battu et coupé les cartes, celle qui était sur le dessus quand elle avait trouvé le jeu réapparaissait.
La deuxième carte fut La Tour, annonciatrice de conflits et de menaces. Elle la plaça à côté de la première, puis tira à nouveau. Les yeux bleu clair du Pagad la dévisagèrent, une main indiquant le ciel et l’autre la terre, un symbole de l’infini au-dessus de la tête. C’était une figure légèrement menaçante, ne penchant nettement ni vers le bien, ni vers le mal. Meredith avait l’impression que son visage lui était familier, sans le reconnaître.
La quatrième carte la fit à nouveau sourire : Le Mat. Anatole Vernier, dans son costume blanc, coiffé d’un canotier, sa canne à la main, tel que l’avait représenté sa sœur. La Prêtresse le suivait : Isolde Vernier, belle, élégante et sophistiquée. Puis Les Amoureux, Anatole et Isolde réunis.
La septième fut celle du Diable. La main de Meredith resta un instant suspendue au-dessus de la carte : les traits malveillants d’Asmodée prenaient forme sous ses yeux. Le démon, l’incarnation des terreurs de la montagne relatées par Audric S. Baillard.
Meredith devinait, d’après la séquence qu’elle avait tirée, ce que serait la dernière carte. Chacun des protagonistes du drame était là, tel que Léonie l’avait représenté.
L’odeur de l’encens dans les narines et les couleurs du passé dans la tête, Meredith sentit le temps s’enfuir. Un présent continu : ce qui était advenu et ce qui allait advenir, tout s’était rejoint lorsqu’elle avait disposé les cartes.
Comme si les événements oscillaient entre passé et présent.
Meredith toucha la dernière carte du bout des doigts et sans même la
Weitere Kostenlose Bücher