Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
Vom Netzwerk:
dressée. Des saints en plâtre, disposés contre les murs derrière les modestes rangées de bancs vides, semblaient observer sa progression.
    — Mademoiselle Vernier, dit-il brusquement, offensé par l’absence de réaction de Léonie.
    Elle ne bougeait toujours pas. Elle ne semblait même pas se rendre compte de sa présence.
    Constant s’arrêta pour examiner les cartes disposées par terre devant l’autel.
    — Qu’est-ce que c’est que cette absurdité ? dit-il en s’avançant au centre du carré.
    Léonie se retourna enfin pour lui faire face. Sa capuche retomba sur ses épaules. Le sourire de Constant mourut sur ses lèvres. Il leva ses mains malades pour protéger ses yeux de la lumière. C’était incompréhensible. Il distinguait les traits de la jeune fille, son regard direct, ses cheveux dénoués comme dans le portrait qu’il avait dérobé, rue de Berlin, mais elle était transformée.
    Tandis qu’il se tenait devant elle, captivé et aveuglé, elle se mit à changer. Les os, les tendons, le crâne sous la peau se mirent à affleurer.
    Constant hurla.
    Quelque chose s’abattit sur lui et le silence qui n’en était pas un fut rompu par une cacophonie de cris et de hurlements. Il pressa ses mains contre ses oreilles pour empêcher les créatures d’entrer dans sa tête, mais ses doigts furent écartés par des serres et des griffes qui ne laissaient aucune trace.
    On aurait dit que les figures peintes sur les murs en étaient descendues : leurs traits harmonieux s’étaient transformés, comme si elles se muaient en une version plus redoutable des mêmes personnages. Leurs ongles devenaient des griffes, leurs doigts, des serres, leurs yeux glacés jetaient des flammes. Constant se recroquevilla et, laissant tomber sa canne, leva les bras pour protéger son visage. Il tomba à genoux en haletant. Son cœur s’affolait. Il tenta de sortir du carré, mais une force invisible, comme un vent puissant, l’y repoussait sans cesse. Le hurlement, la vibration de la musique s’intensifiaient. Ils semblaient provenir à la fois de l’extérieur et de l’intérieur, résonnant dans sa tête. Écartelant son esprit.
    — Non ! hurla-t-il.
    Mais les voix devenaient plus fortes. Sans comprendre ce qui lui arrivait, il chercha Léonie des yeux. Il ne la voyait nulle part. La lumière était trop vive, l’air scintillait d’une fumée incandescente.
    Puis, derrière lui, ou plutôt sous la surface même de sa peau, surgit un nouveau bruit. Un raclement, comme celui des griffes d’une bête sauvage, faisait crisser ses os. Il tressaillit, hurla de douleur puis tomba par terre, comme renversé par une bourrasque.
    Et soudain, dans une puanteur saumâtre, un démon difforme et décharné dont la peau rouge avait la texture du cuir, avec un front cornu et d’étranges yeux bleus pénétrants, s’accroupit sur sa poitrine. Un démon qu’il savait ne pas pouvoir exister. Qui n’existait pas. Pourtant, le visage d’Asmodée se penchait vers le sien.
    — Non ! hurla-t-il une dernière fois, avant que le démon ne l’emporte.
    Aussitôt, le vent retomba dans le sépulcre. Les chuchotements et les soupirs des esprits s’assourdirent jusqu’à ce que le silence revienne. Les cartes étaient éparpillées par terre. Les figures sur le mur n’avaient plus que deux dimensions, mais leurs expressions et leurs attitudes s’étaient subtilement modifiées. Elles ressemblaient à ceux qui avaient vécu – et péri – au Domaine de la Cade. Aux aquarelles de Léonie.
     
    Dans la clairière, le domestique de Constant se recroquevillait sous les assauts du vent, de la fumée et de la lumière aveuglante. Il entendit son maître hurler une fois, deux fois. Ce son inhumain le pétrifia.
    Mais lorsque le calme revint et que les lumières du sépulcre cessèrent de vaciller, il s’enhardit assez pour sortir de sa cachette. Lentement, il s’approcha de la lourde porte et la trouva légèrement entrebâillée. Sa main hésitante ne rencontra aucune résistance.
    — Monsieur ?
    Il entra.
    — Monsieur ? répéta-t-il.
    Un courant d’air frais, comme un soupir, vida le sépulcre de sa fumée ; seule une lampe l’éclairait.
    Il vit aussitôt le corps de son maître qui gisait sur le ventre devant l’autel, entouré de cartes éparpillées. Le domestique se précipita pour le retourner. Le visage de Constant était marqué de trois profondes balafres, comme celles qu’aurait pu laisser une

Weitere Kostenlose Bücher