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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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gentil jeune homme, très élégant. Oui, les cheveux noirs, exactement ce que vous avez écrit sur votre fiche. Voilà, je vous le passe.
    — Allô, Sally.
    — Enchantée de faire votre connaissance.
    — Enchanté.
    J’avais oublié ce qu’il fallait dire.
    — Je… heu… je viens d’arriver. Du Viêtnam.
    C’est ridicule. Est-ce qu’elle ne s’en rend pas compte ?
    — Oh, c’est génial.
    — Oui.
    — Et qu’est-ce que vous pensez de Sydney ? Une ville magnifique, non ?
    — C’est super. Tout est super, vous savez.
    Tout. Si ça se trouve, elle ressemble à un teckel.
    — Oui, j’imagine. Tous les types racontent que le Viêtnam, c’est épouvantable.
    — Épouvantable.
    — Vous êtes dans l’infanterie ? Parce qu’il y en a qui sont dans la marine.
    — Dans l’infanterie.
    — Eh ben, vous allez vous plaire à Sydney.
    — Mais bon, j’ai presque rien vu, pour l’instant. En fait, tout ce que j’ai vraiment vu, c’est le Centre de permes. Et l’aéroport. Il fait beau.
    — Il fait frais, vraiment frais pour la saison.
    La pause. Un petit signal.
    — Ben, peut-être qu’on pourrait réchauffer ça ensemble.
    Je commence à me remettre au jus, ça fait un bout de temps.
    — Pourquoi pas, c’est peut-être possible.
    Elle n’a pas rigolé, mais elle ne m’a pas non plus envoyé balader.
    — Vous avez une idée en tête ?
    — Oh, je sais pas.
    Ça avait l’air dingue. Qu’est-ce qu’elle pensait que je pouvais bien avoir en tête, bon Dieu ? Mais j’étais civilisé, ça m’est revenu à l’esprit.
    — Buddy Greco ? Restau ? Quelques verres ?
    Finalement, Sally était assez sympa. Mais Buddy Greco, lui, était génial. Et la boîte, avec son ambiance chaleureuse, les cordialités, était encore mieux.
    Je ne suis pas tombé amoureux. J’ai passé la plus grande partie de mon temps tout seul, à la recherche des bibliothèques, à faire la tournée des bars, la nuit, et je suis allé une fois voir l’océan. Et puis, le dernier soir, je suis retourné voir les vieilles dames et j’ai fêté mon départ avec une nana qui s’appelait Frances.
    Après ma perme, le Viêtnam, c’était même plus l’aventure. Revenir de perme, c’était une expérience à peu près comparable au moment où l’on rentrait des spectacles de strip-tease. En sueur, vidé, le sang en ébullition. Et puis retour à cette guerre de deuxième classe, à l’arrière.
    Après un long silence dans notre correspondance, j’ai recommencé à écrire à Erik. Son affectation au Viêtnam n’allait pas tarder à prendre fin :
    « Je vais prendre l’avion, ce phœnix dont nous rêvons tous les deux, et je n’arrête pas de me dire que ça serait parfait si l’on pouvait le prendre ensemble. Quitter ce pays, c’est une expérience qu’il faudrait pouvoir partager. Mais pour l’instant, j’attends, et j’imagine que c’est aussi ton cas. En même temps, j’essaie de rester aussi objectif que possible – ma bonne vieille objectivité d’observateur –, et ce que je vois, ces derniers temps, n’est pas terrible du tout. Ce matin, en sortant des baraquements, j’ai observé un nouvel officier qui éjectait littéralement une femme vietnamienne à l’extérieur de la compagnie, dans un coin qui est adjacent au nôtre. J’ai observé la situation. L’observateur, l’obsédé de service de l’armée. Je n’ai rien fait. Tout à coup, je me suis senti dégoûté quand j’ai pris conscience que pratiquement deux mille ans me séparaient d’un centurion romain qui se trouvait là, près de cette petite ruelle qui menait au mont Golgotha – un être qui, lui aussi, observait passivement la situation.
    Quelle différence y a-t-il ? Quels changements physiques tous ces siècles de souffrance et de joie ont-ils bien pu forger ? Est-ce simplement le fait que Jésus est aujourd’hui remplacé par une traînée au teint jaune, une fille facile du dimanche matin ?
    Pas besoin d’ajouter que je me sens en conflit avec moi-même, ce matin. C’est peut-être parce que je sais que je vais quitter ce coin en vie, et que j’éprouve par conséquent le besoin de me faire souffrir.
    Mais plus probablement, c’est que ce que je vois autour de moi, c’est tout simplement le mal à l’état pur. »
     
    *
     
    C’est donc avec mes lettres, une bouteille de whisky et cette couverture de secours qu’on utilisait à l’arrière – une couverture confortable,

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