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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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telle ferveur sur les jours qu’il avait passés à la guerre de Corée, sur le fait qu’il préférait se retrouver au front et non pas à l’arrière. Je peux sans doute comprendre son aversion pour la monotonie, mais tout de même, le fait de renoncer à la monotonie et de choisir son immonde opposé, cela me paraît un genre d’héroïsme triomphant et légèrement tiré par les cheveux. J’ai essayé de voir le bon côté de la situation, j’enfournais les paperasses comme un type qui adorait son boulot, j’essayais de me rendre indispensable.
    La veille de Noël : une fête de bureau, les appareils Kodak qui mitraillent des photos où l’on prend la pose, histoire de nous faire baver le jour où l’on sera vieux, un superbe sentiment de profonde amitié. L’aide de camp, un capitaine tout à fait sympathique, n’y allait pas de main morte sur l’alcool. Le sous-officier racontait des histoires cochonnes et des histoires de guerre, et nous on se marrait comme des baleines. L’employé chargé du courrier était là. Et aussi l’employé qui s’occupait des victimes, l’employé du service juridique, l’employé du bureau des récompenses, le sous-off qui faisait office de responsable administratif.
    Dehors, là où se trouvaient les bunkers, les gars tiraient des fusées éclairantes et balançaient des grenades aussi loin qu’ils le pouvaient, pour fêter Noël et faire la fête, quelle qu’elle soit. À minuit pile, le ciel s’est illuminé au-dessus de LZ Gator. Pétards étoilés, fusées éclairantes, un grand feu d’artifice tiré avec les mortiers de la base. On est sortis pour aller voir ça. Après, les sous-offs et un gigantesque sergent-chef ont décidé de m’apprendre à jouer aux dés, et à quatre heures et demie du matin, le jour de Noël, ils se sont barrés en marmonnant un truc sur la chance du débutant, la vieille rengaine. J’ai dépensé mon blé pour m’acheter un nouveau radiocassette.
    Le jour de Noël : même chose que Thanksgiving – petite pluie fine, un autre bon repas. Pendant qu’on mangeait, l’aumônier nous passait de la musique de Noël sur le système stéréo de la chapelle. Le « Silent Night » de Bing Crosby, « Oh, Come All Ye Faithful » des Johnny Mann Singers. D’après les papiers administratifs, c’était un jour de travail comme les autres. Mais au quartier général du bataillon, on avait organisé un roulement de manière qu’il y ait en permanence un mec dans les bureaux, avec comme compagnon une bouteille d’un excellent scotch qui provenait du magasin de la base.
    Au milieu de l’après-midi, le capitaine m’a envoyé avec un autre gars à Chu Lai, à peine à une dizaine de bornes de là. On devait aller chercher suffisamment de gnôle pour faire la fête toute la nuit. On a trouvé le whisky et on a eu le temps de jeter un œil sur Bob Hope qui essayait d’être drôle sous la pluie ; et puis on est rentrés à la base. Vers dix heures du soir, tout le monde traînait dans le quartier général, rien d’autre à faire, et on a picolé jusqu’à la fin de cette nuit de Noël. On s’est dit que ça pourrait carrément mal tourner si les Charlies décidaient de nous attaquer pendant la nuit, et ça nous a bien fait marrer.
    De temps en temps, pour essayer de rendre la monotonie ambiante un peu plus supportable, il y avait des spectacles de strip-tease qui passaient à LZ Gator. Des nanas coréennes, australiennes, japonaises, philippines se dandinaient sur des chansons, petite routine qui consistait à nous aguicher et qu’on devait leur enseigner dans de gigantesques salles des congrès de Las Vegas. C’était toujours la même chose, mais ce n’était pas vraiment la diversité qui comptait. Tous les spectacles commençaient avec l’un de ces morceaux méconnaissables d’acid-rock, qui se fondait à « I Want to Go Home – Oh, How I Want to Go Home », suivi d’un medley de bons vieux trucs à papa, rien de bien terrible. Après ça, un peu d’humour, et ensuite – enfin, mon Dieu, merci – la strip-teaseuse.
    Les Noirs arrivaient une heure avant le début du spectacle, appareils photo fin prêts, pour prendre un peu de chair, et ils occupaient tous les sièges du premier rang. Les Blancs n’aimaient pas trop ça. Quelques Blancs essayaient d’arriver encore plus tôt, mais du coup, pour le spectacle d’après, les Noirs arrivaient deux bonnes heures avant le lever de rideau. Le colonel, un

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