Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
Vom Netzwerk:
annoncé la nouvelle. On s’est couchés tard, ce soir-là, on parlait des types qu’on avait éclatés, on se félicitait d’avoir été des gros durs, des vrais tueurs professionnels. Mais plus tard dans la soirée, on a commencé à se calmer et on a tous admis que c’était juste une coïncidence et un gros coup de bol. Et bien sûr, à dix heures, on s’est fait tirer dessus au mortier.
    Vers la fin août, les hélicos ont transporté la troupe Alpha sur une autre colline, qui se trouvait cette fois le long de la mer de Chine du Sud. On y construisait un camp de réfugiés, et notre boulot consistait à nous assurer que les civils nettoyaient bien la région et y construisaient des paillotes. Ce coin se trouvait à moins de deux kilomètres de notre champ de maïs, mais là, au moins, on ne se faisait plus tirer dessus au mortier ; on tombait bien de temps en temps sur un tireur embusqué, mais c’était tout : on avait un peu l’impression d’être en vacances. On a envoyé une patrouille. Un chien dressé pour renifler les mines les a accompagnés. Le chien a foutu la patte sur une mine qui a arraché le pied de son dresseur.
    C’est donc là, au bord de la mer, que j’ai dégoté mon boulot à l’arrière. Ils avaient besoin d’un dactylo au quartier général du bataillon ; et c’est moi qu’ils ont choisi. J’ai creusé un trou de pratiquement deux mètres de profondeur, ce soir-là, et c’est là que j’ai dormi. Le matin, Barney est venu me réveiller et m’a dit que j’avais le cul bordé de nouilles. On est allé faire un tour à la mer, on a nagé, et en rentrant on a esquivé les balles d’un tireur embusqué. Après, j’ai balancé tout mon barda dans un hélico et c’était fini.

XX

UNE AUTRE GUERRE
    À l’arrière, bien à l’abri de la guerre, protégé par des rangées de bunkers et de rouleaux de fils barbelés, j’ai rejoint la véritable armée des États-Unis.
    La fête de Thanksgiving : le premier point de démarcation, un grand panneau de signalisation sur le bord de la route. Il pleuvait légèrement, c’était le début de la saison des moussons. La base de LZ Gator s’était transformée en une colline grise couverte de boue. À la cantine, je n’en revenais pas quand j’ai vu le repas qu’on nous avait préparé : dinde, sauce, deux types de pommes de terre, canneberges, tartes, toutes sortes de noix. Comme un vrai repas de famille. Les gars sortaient tranquillement de la rangée de bunkers pour venir s’empiffrer, ils traînaient autour des fourneaux afin de se sécher, et puis ils sont restés jusqu’au bout dans le fond de la salle. Les PDN, qui sortaient tout droit du centre de combat de Chu Lai, servaient la bouffe et nous obéissaient comme il se devait quand on était un bon petit PDN.
    — Fous-moi du rab, le PDN, allez !
    Le PDN esquissait un petit sourire, jetait un coup d’œil en direction du sergent de la cantine, et puis nous donnait une louchée de rab.
    La vie quotidienne, je travaillais à S-1, le quartier général du bataillon. D’après le tableau administratif de l’un de mes collègues, S-1 était le cerveau du bataillon, le centre nerveux ou une autre métaphore dans le genre. Mais cette description n’était pas exacte. Ce qu’on était, c’était la bureaucratie, ni plus ni moins, même si c’était une bureaucratie miniature. On s’occupait des papiers des PDN, quand ils arrivaient au bataillon. On s’occupait aussi des morts, on faisait des rapports sur le sort des victimes, on gardait des dossiers sur le pourquoi du comment et sur les lieux où ils étaient morts. On remplissait des tonnes et des tonnes de paperasses. Le courrier. Demandes de transfert. Demandes de perme, demandes de départ. On distribuait toutes sortes de récompenses : la médaille du Purple Heart, exactement la même pour un mort que pour un mec qui s’était égratigné un ongle ; l’Étoile de bronze pour récompenser la grande valeur d’un type, notamment pour les officiers qui savaient à quelles portes taper pour l’obtenir. On distribuait aussi les pénalités, on s’occupait des papiers de cour martiale, de réprimandes, ce genre de conneries.
    Rien de bien captivant. Mais au moins, l’ennui et la routine ne faisaient pas mal, comme si l’on passait d’une poêle à frire à des vacances dans un bon bain chaud, chaud, mais pas brûlant. J’ai pensé à Martin Ross, cette grande gueule de marine qui avait écrit avec une

Weitere Kostenlose Bücher