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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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homme marié, arrivait discréto vers la moitié du spectacle, comme s’il venait juste pour voir comment ça se passait et si tout allait bien. Mais il n’était jamais en retard pour la fin du spectacle.
    Tout le monde picolait. En général, on n’y allait pas de main morte, mais le colonel, lui, se contentait de descendre une bière, et pas deux.
    Enfin, le spectacle arrivait à son apogée. Les gars, complètement raides, se mettaient à hurler et, les yeux mouillés de larmes, ils imploraient la strip-teaseuse – ils la suppliaient, la soudoyaient – pour qu’elle aille jusqu’au bout. Mais ça ne donnait jamais rien. On rentrait épuisés.
    — Bon Dieu, se lamentait Bates, en allant s’asseoir derrière sa machine à écrire, couvert de sueur. Bon Dieu, c’est malsain.
    Il a fait le serment de ne jamais retourner à un autre spectacle de strip-tease, sauf s’il s’agissait d’un spectacle privé, rien que pour lui. Vers la fin de notre affectation, Bates et moi, on a complètement arrêté d’y aller.
    La nuit : si t’as pas de pote, si tu ne connais pas les bons officiers, si t’as pas de bol, tu te farcis les gardes de bunker. Tu dois fixer l’horizon, toujours les mêmes coins de collines, chaque nuit la même rengaine. Mais si tu bosses au quartier général du bataillon, t’es tranquille, peinard. Tu passes tes nuits au bureau, tu roupilles sur un lit de camp, ou alors tu bouquines, t’écris des lettres ou un bouquin. T’es là pour répondre au téléphone, mais personne n’appelle. À moins qu’on signale une victime. Auquel cas tu scribouilles le nom du gars, son numéro d’immatriculation, la gravité des blessures, les coordonnées sur la carte, l’hôpital où il a été transporté. Pendant un tout petit instant, au moment où tu raccroches le téléphone, tu revois tout ça. Mais tu retournes te coucher, ou tu reprends ta lecture. Sinon, tu restes là, assis dans le bureau, et tu écoutes. Les bruits, la nuit, ne sont pas les mêmes sur une base d’artillerie que sur le champ de bataille. Les bruits créent un rythme. On entend les explosions de l’artillerie de l’autre côté de la colline, d’énormes fusils mitrailleurs tirent pour couvrir les compagnies qui se trouvent sur le terrain. Les mortiers font péter des salves lumineuses au-dessus de la base d’artillerie, ils font de la lumière pour les gardes des bunkers. Ça vient parfois te déranger pendant ton sommeil, et là, tu te surprends à maudire tous ces canons, tu oublies et tu ne peux plus voir à quel point tout cela a pu t’être utile, il y a de ça très longtemps, à la bonne vieille époque où t’étais encore un soldat.
    LZ Gator n’a été attaquée qu’une seule fois pendant cette période où je finissais mon temps. Des sapeurs avaient réussi à passer dans les fils barbelés avant même qu’on ait eu le temps de comprendre quoi que ce soit. Malins, extrêmement bien organisés, ils ont réussi à s’infiltrer, à faire sauter un paquet de munitions, à tuer l’un de nos gars et à en blesser d’autres. Le matin, on a passé la colline au peigne fin. En tout, six Viêt-congs morts. Des officiers les ont foutus dans un camion et les ont transportés dans un village qui se trouvait au pied de LZ Gator, et ils ont balancé les corps sur la place du village.
    Les permes : comme si tu rentrais à la maison. Sydney, en Australie. Buddy Greco me chantait des chansons dans le bar de l’hôtel Chevron de Sydney : « Il était une fois, il y a bien longtemps de cela. » Tu vois un peu l’ambiance ? Une boîte aux lumières tamisées, des nanas qui poussaient de partout, comme des pétales de roses flottant dans la pièce. La gentille petite musique douce comme du velours de Greco, avec en fond des trompettes, des sax, un piano et des verres de champagne qu’on entendait en sourdine. J’avais une nana. Le Centre de permes me l’avait réservée à mon arrivée. Je suis descendu de l’avion, on nous a filé un cours sur les convenances locales, et puis je suis allé vers une rangée de bureaux où des dames d’âge mûr, voire très vieilles, étaient assises avec d’énormes fichiers remplis de nanas australiennes tout excitées.
    Une vieille dame en a sorti un nom et a passé un coup de fil.
    — Allô, Sally ? Ici Hilda de Grand, du Centre de permes. Je suis avec un très gentil jeune homme, là, et il voudrait savoir si vous êtes libre ce soir. Non ? Oui ? Oh, oui, un

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