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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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pouvoir sortir d’un monde devenu cruel et fou. Gardez-moi un bon souvenir ; j’étais toujours fier et reconnaissant de votre amitié fidèle et dévouée. »
     
    Il joint à sa lettre quelques dessins et autographes, en guise de cadeau d’adieu, et forme ce vœu – qui ne sera pas exaucé – d’« être enterré au cimetière de Rio de Janeiro dans la forme la plus modeste et la plus discrète. ».
     
    Ce même jour, 18 février, il écrit à Friderike, à mots couverts : « Je n’ai plus rien à t’écrire que mes pensées les plus affectueuses. » Ainsi commence une lettre où il lui avoue qu’il est « plus déprimé que jamais », ne travaille plus qu’avec « le quart de mes forces » et est convaincu que l’avenir « ne nous rendra jamais ce que le passé nous avait offert ». Au cœur de cette confession pudique, il se laisse aller à se plaindre : « Il faut être convaincu pour convaincre, enthousiaste pour stimuler les autres, où trouver tout cela à présent ? » Très vite il se ressaisit. Il exprime son souhait que ses belles-filles connaissent des jours meilleurs, mais il évite d’être trop solennel ou trop définitif, il ne prononce pas d’au revoir, encore moins d’adieu. « Ici je n’avais que la nature et de bons livres… » Seul l’imparfait du verbe contient la vérité. Quand Friderike recevra la lettre, Zweig ne sera plus.
     
    Le lendemain, il écrit à Jules Romains, au Mexique. « Sans foi, sans enthousiasme…, je t’envie ton énergie inépuisable… Un arbre sans racine est une chose bien chancelante, mon ami… » Il lui parle du carnaval, du plaisir qu’il n’a pu y prendre et du regret qu’il lui laisse : « Combien on aurait autrefois joui de voir toute une ville dansant, marchant, chantant, pendant quatre jours sans police, sans journaux, sans commerce – une multitude unie seulement par la joie ! » Autrefois… la nostalgie aura le dernier mot.
     
    Le 20 février, l’écrivain allume un feu dans le jardin. Il y brûle un nombre important de papiers et de lettres, documents qu’il est seul à connaître. Il passe quelques coups de téléphone, notamment à Claudio de Souza qui se souviendra qu’il lui a dit seulement, après un long silence, « je suis heureux de vous parler… », et à Fortunat Strowski, le professeur français, grand spécialiste de Montaigne, tout juste installé à Petropolis. Zweig aurait aimé l’entendre mais le professeur est sorti. Puis il demande à Lotte d’appeler les Feder pour les inviter à venir passer chez eux la soirée du lendemain – samedi 21 février. Il a encore beaucoup de travail devant lui. Il rédige plusieurs lettres en français, à l’intention des autorités brésiliennes. Pour le remercier de l’aide qu’il lui a apportée, il invite José Kopke Froés, directeur de la bibliothèque municipale de Petropolis, à venir choisir parmi ses ouvrages ceux qu’il aimerait ajouter à « la belle bibliothèque qui m’a été si utile et qui témoigne de votre respect et de votre amour pour les livres et la littérature ». Puis à Cardoso Miranda, préfet de Petropolis, il adresse avec ses remerciements sincères pour son hospitalité, ses excuses de devoir quitter la ville – « De ma fenêtre, j’embrasse encore une fois d’un dernier regard l’insurpassable beauté du paysage », lui dit-il. Il ne veut laisser aucune ombre, aucun regret. Jusqu’au dernier moment, son souci est de ne pas blesser ses amis. Sa décision ne doit en aucun cas les gêner ou les tourmenter. Encore moins valoir d’exemple : elle n’engage que lui-même et c’est avec la plus extrême délicatesse qu’il s’excuse auprès d’eux de son désespoir, les encourageant au contraire à considérer l’avenir sous des couleurs moins sombres. Il est, jusqu’à la fin, extraordinaire de courtoisie et de gentillesse.
     
    Il écrit en anglais à sa propriétaire, Margarida Banfield, pour lui régler son loyer jusqu’à la fin du bail qu’il a contracté, et lui présenter ses excuses : « Je suis absolument navré, mais nous avons pris une autre décision et nous ne relouerons pas votre charmante maison. Vous ne pouvez imaginer combien c’est fatigant à soixante ans de vivre sans maison à soi et d’être un éternel errant. » Il ne laissera derrière lui aucune dette, aucune facture impayée. Téléphone, gaz, électricité, gages d’Antonio et de la bonne, il s’est occupé de

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