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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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injures qui peuvent être faites à quelqu'un des mem­bres de la société; et partout où l'on voit un certain nombre d'hommes, de quelque manière d'ailleurs qu'ils se soient associés, parmi lesquels ne se trouve pas un tel pouvoir décisif, auquel on puisse appeler, on doit regarder l'état où ils sont, comme étant toujours l'état de nature.
     
    90. Il parait évidemment, par tout ce qu'on vient de lire, que la monarchie absolue, qui semble être considérée par quelques-uns comme le seul gouvernement qui doive avoir lieu dans le monde, est, à vrai dire, incompatible avec la société civile, et ne peut nullement être réputée une forme de gouvernement civil. Car la fin de la société civile étant de remédier aux inconvénients qui se trouvent dans l'état de nature, et qui naissent de la liberté où chacun est, d'être juge dans sa propre cause; et dans cette vue, d'établir une certaine autorité publique et approuvée, à laquelle chaque membre da la société puisse appeler et avoir recours, pour des injures reçues, ou pour des disputes et des procès qui peuvent s'élever, et être obligés d'obéir; partout où il y a des gens qui ne peuvent point appeler et avoir recours à une autorité de cette sorte, et faire terminer par elle leurs différends  [3] , ces gens-là sont assurément toujours dans l'état de nature, aussi bien que tout Prince absolu y est, à l'égard de ceux qui sont sous sa domination.
     
    91. En effet ce Prince absolu, que nous supposons, s'attribuant à lui seul, tant le pouvoir législatif, que le pouvoir exécutif, on ne saurait trouver parmi ceux sur qui il exerce son pouvoir, un juge à qui l'on puisse appeler, comme à un homme qui soit capable de décider et régler toutes choses librement, sans prendre parti et avec auto­rité, et de qui l'on puisse espérer de la consolation et quelque réparation, au sujet de quelque injure ou de quelque dommage qu'on aura reçu, soit de lui-même, ou par son ordre. Tellement qu'un tel homme, quoiqu'il s'appelle Czar ou Sultan, ou de quelque autre manière qu'on voudra, est aussi bien dans l'état de nature avec tous ceux qui sont sous sa domination, qu'il l'y est avec tout le reste du genre humain. Car, partout où il y a des gens qui n'ont point de règlements stables, et quelque commun Juge, auquel ils puissent appeler sur la terre, pour la décision des disputes de droit qui sont capables de s'élever entre eux, on y est toujours dans l'état de nature  [4] , et exposé à tous les inconvénients qui l'accompagnent, avec cette seule et malheureuse diffé­rence qu'on y est sujet, ou plutôt esclave d'un prince absolu : au lieu que dans l'état ordinai­re de nature, chacun a la liberté de juger de son propre droit, de la maintenir et de le défendre autant qu'il peut. Mais toutes les fois que les biens propres d'un homme seront envahis par la volonté ou l'ordre de son Monarque, non seulement il n'a person­ne à qui il puisse appeler, et ne peut avoir recours à une autorité publique, comme doivent avoir la liberté de faire ceux qui sont dans une société; mais comme s'il était dégradé de l'état commun de créature raisonnable, il n'a pas la liberté et la permission de juger de son droit et de le soutenir : et par là, il est exposé à toutes les misères et à tous les inconvénients, qu'on a sujet de craindre et d'attendre d'un homme, qui étant dans un état de nature, où il se croit tout permis, et où rien ne peut s'opposer à lui, est de plus corrompu par la flatterie, et armé d'un grand pouvoir.
     
    92. Car si quelqu'un s'imagine que le pouvoir absolu purifie le sang des hommes, et élève la nature humaine, il n'a qu'à lire l'histoire de ce siècle ou de quelque autre, pour être convaincu du contraire. Un homme, qui, dans les déserts de l'Amérique, serait insolent et dangereux, ne deviendrait point sans doute meilleur sur le trône, surtout lorsque le savoir et la religion seraient employés pour justifier tout ce qu'il ferait à ses sujets, et que l'épée et le glaive imposeraient d'abord la nécessité du silen­ce à ceux qui oseraient y trouver à redire. Après tout, quelle espèce de protection est celle d'un Monarque absolu? Quelle sorte de père de la patrie est un tel Prince? Quel bonheur, quelle sûreté en revient à la société civile, lorsqu'un gouvernement, comme celui dont il s'agit, a été amené à sa perfection, nous le pouvons voir dans la dernière relation de Ceylan

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