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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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(absit invidia verbo) qu'il était comme l'âme de ce noble corps. Les marchands les plus expérimentés admiraient qu'un hom­me qui avait passé sa vie à l'étude de la médecine, des belles-lettres, ou de la philosophie, eût des vues plus étendues et plus sûres qu'eux sur une chose à quoi ils s'étaient uniquement appliqués dès leur première jeunesse. Enfin, lorsque M. Locke ne put plus passer l'été à Londres sans exposer sa vie, il alla se démettre de cette charge entre les mains du Roi, par la raison que sa santé ne pouvait plus lui permettre de rester longtemps à Londres. Cette raison n'empêcha pas le Roi de solliciter M. Locke à conserver son poste, après lui avoir dit expressément qu'encore qu'il ne pût demeurer à Londres que quelques semaines, ses services dans cette place ne laisse­raient pas de lui être fort utiles; mais il se rendit enfin aux instances de M. Locke, qui ne pouvait se résoudre à garder un emploi aussi important que celui-là, sans en faire les fonctions avec plus de régularité. Il forma et exécuta ce dessein sans en dire mot à qui que ce soit, évitant par une générosité peu commune ce que d'autres auraient re­cher­ché fort soigneusement. Car en faisant savoir qu'il était prêt à quitter cet emploi, qui lui rapportait mille livres sterling de revenu, il lui était aisé d'entrer dans une espèce de composition avec tout prétendant qui, averti en particulier de cette nou­velle, et appuyé du crédit de M. Locke, aurait été par là en état d'emporter la place vacante sur toute autre personne. On ne manqua pas de le lui dire, et même en forme de reproche. Je le savais bien, répondit-il ; mais ça été pour cela même que je n'ai pas voulu communiquer mon dessein à personne. J'avais reçu cette place du Roi, j'ai voulu la lui remettre pour qu'il en pût disposer selon son bon plaisir.
    Une chose que ceux qui ont vécu quelque temps avec M. Locke, n'ont pu s'empê­cher de remarquer en lui, c'est qu'il prenait plaisir à faire usage de sa raison dans tout ce qu'il faisait : et rien de ce qui est accompagné de quelque utilité ne lui paraissait indigne de ses soins; de sorte qu'on peut dire de lui, comme on l'a dit de la Reine Elisabeth, qu'il n'était pas moins capable des petites que des grandes choses. Il disait ordinairement lui-même qu'il y avait de l'art à tout ; et il était aisé de s'en convaincre, à voir la manière dont il se prenait à faire les moindres choses, toujours fondée sur quelque bonne raison. je pourrais entrer ici dans un détail qui ne déplairait peut-être pas à bien des gens. Mais les bornes que je me suis prescrites, et la crainte de remplir trop de pages de votre journal, ne me le permettent pas.

    M. Locke aimait surtout l'ordre, et il avait trouvé le moyen de l'observer en toutes choses avec une exactitude admirable.
    Comme il avait toujours l'utilité en vue dans toutes ses recherches, il n'estimait les occupations des hommes qu'à proportion du bien qu'elles sont capables de produire : c'est pourquoi il ne faisait pas grand cas de ces critiques, purs grammairiens, qui consument leur temps à comparer des mots et des phrases, et à se déterminer sur le choix d'une diversité de lecture à l'égard d'un passage qui ne contient rien de fort important. Il goûtait encore moins les disputeurs de profession, qui uniquement occupés du désir de remporter la victoire, se cachent sous l'ambiguïté d'un terme pour mieux embarrasser leurs adversaires. Et lorsqu'il avait à faire à ces sortes de gens, s'il ne prenait par avance une forte résolution de ne pas se fâcher, il s'emportait bientôt. En général il est certain qu'il était naturellement assez sujet à la colère. Mais ces accès ne lui duraient pas longtemps. S'il conservait quelque ressentiment, ce n'était que contre lui-même, pour s'être laissé aller à une passion si ridicule, et qui, comme il avait accoutumé de le dire, peut faire beaucoup de mal, mais n'a jamais fait aucun bien. Il se blâmait souvent lui-même de cette faiblesse. Sur quoi il me souvient que deux ou trois semaines avant sa mort, comme il était assis dans un Jardin à prendre l'air par un beau soleil, dont la chaleur lui plaisait beaucoup, et qu'il mettait à profit en faisant transporter sa chaise vers le soleil à mesure qu'elle se couvrait d'ombre, nous vînmes à parler d'Horace, je ne sais à quelle occasion, et je rappelai sur cela ces vers où il dit de lui-même qu'il

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