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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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mon côté. J’ai failli crier, appeler à l’aide. Enfin, il a soupiré.
Sur sa poitrine, ma main est montée et descendue.
    Un gros soupir de sommeil. Le soupir
d’un homme qui rêve malgré toute sa fatigue.
    Je me suis effondrée en sanglots contre
lui, le tenant enlacé et appelant :
    — Moïse ! Moïse !
    C’en était fini de Tsippora la forte. À
cet instant, je l’ai su.
    J’étais désormais et pour toujours
Tsippora la faible. La faible d’entre les faibles.
    J’ignorais encore combien je l’étais,
incapable de retenir la vie et de la faire grandir. Mais je savais mon
impuissance. Il fallait être Moïse pour résister à la folie de cette multitude.
À la folie de cet exode et de cette espérance. Il fallait être comme Miryam,
Aaron, Josué… Être du peuple de Yhwh. Avoir enduré la poigne de Pharaon durant
des générations et des générations, et en avoir le corps et le cœur entaillés.
    Plus tard, plus calme, laissant le
lumignon éclairé, j’ai admiré le visage de mon époux.
    En vérité, je ne reconnaissais presque
plus son visage tant il avait de rides. Les rides du front, longues et dures,
s’enfonçant dans les cheveux, plus profondes sur les sourcils. Les rides des
tempes, réunies au coin des yeux tels des fleuves avant la mer. Les rides du
nez, des lèvres, des paupières, du menton… Comme si Moïse, mon bien-aimé,
devait posséder sur son visage autant de rides qu’il y avait d’hommes, de
femmes et d’enfants dans le peuple turbulent qu’il entraînait derrière lui.
    *
    * *
    Avant l’aube, il s’est brusquement
réveillé. Il m’a découverte avec surprise. J’ai baisé ses paupières et ses
milliers de rides. J’ai baisé son cou. Et là, doucement, il m’a repoussée.
    — Je dois me lever. Ils
m’attendent.
    — Qui ?
    — Eux tous, ils m’attendent.
Là-bas, devant la tente. Je ne comprenais pas. Je l’ai accompagné, et j’ai vu.
    Ils étaient déjà là en longues colonnes.
Deux cents, trois cents ? Mille ? Qui aurait pu les compter ?
Ils étaient là à attendre, chacun voulant passer devant Moïse pour lui
dire :
    — Mon voisin de tente a déplacé sa
chèvre. Elle pue sous mon nez. Ordonne qu’il l’attache ailleurs.
    — On m’a volé la pierre sur
laquelle mon épouse broyait l’orge. C’était une bonne pierre, la meilleure.
Ici, il n’y a que de la poussière ou de mauvaises pierres, comment faire ?
    — Moïse, les tentes des tribus sont
éparpillées partout dans le camp, on ne sait où est qui. Rien n’est possible
dans ce désordre !
    — Moïse, les femmes accouchent sans
sage-femme. Il n’y en a pas assez. Des enfants naissent dont on ne sait quand
couper le cordon. Que faire ?
    — Et moi, on m’a volé ce coussin
que j’ai rapporté d’Égypte. Oh, je sais qui c’est ! Moïse, que vas-tu lui
dire pour qu’il me le rende ?
    J’ai compris d’où venait l’épuisement de
Moïse. Ce n’était pas d’avoir levé les bras pendant la bataille contre Amaleq.
    J’ai couru près de Jethro.
    — Va voir Moïse, mon père ! Va
le voir et conseille-le.
    Le même soir, sous la tente du conseil,
Jethro s’est écrié :
    — Es-tu devenu fou, Moïse ?
Veux-tu tout perdre ? Ils vont t’épuiser pour de bon, et eux avec. Des
journées entières, ils attendent sous le soleil que tu leur répondes !
    Aaron s’est interposé :
    — Qui d’autre que Moïse peut juger
les fautes, partager le bien et le mal ? Montrer la voie où chacun doit
marcher ? Lui seul le peut. Lui seul, par la voix de Yhwh.
    — Yhwh a-t-il besoin de donner de
la voix pour retrouver un coussin et balayer le crottin des chèvres ?
Allons, soyez raisonnables, vous avez affaire à une multitude. Moïse ne peut y
arriver seul. Qu’il indique le chemin et les règles. Qu’il nomme ceux qui
seront capables de les appliquer. N’y aurait-il que Moïse, dans toute cette
foule, à avoir le cœur droit et un peu de bon sens ?
    — Saurais-tu mieux faire ? Il
est vrai que les Madianites sont malins. Dans le passé, ils ont déjà vendu
Joseph à Pharaon.
    — Et ainsi, ils l’ont maintenu en
vie ! Au grand chagrin de ses frères, qui auraient bien aimé que ce pauvre
Joseph crève et pourrisse dans ce trou où ils l’avaient mis. Allons,
Aaron ! Ne me cherche pas querelle sur le passé, j’aurais de quoi te
répondre jusqu’à ce que nous n’ayons plus de dents. Aaron, sage du peuple de
Yhwh, ce qui compte, c’est

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