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Tu montreras ma tête au peuple

Tu montreras ma tête au peuple

Titel: Tu montreras ma tête au peuple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Henri Désérable
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rues,
relatent les derniers événements. Il paraît qu’Hébert
lui-même a déposé : « Le fils Capet, a-t-il dit, a été surpris par Simon à commettre des indécences nuisibles
à sa santé. Il a même avoué avoir été instruit dans ces
habitudes par sa mère et sa tante qui différentes fois
s’étaient amusées à lui voir répéter ces pratiques devant
elles, entre elles, où se commettaient des traits de ladébauche la plus effrénée. » Puis il a conclu : « Il n’y a
pas à douter qu’il n’y ait eu un acte incestueux entre la
mère et son fils. » Pour ma part, je ne peux imaginer
un seul instant que ces accusations soient fondées. Personne, d’ailleurs, ne sembla les tenir pour crédibles
puisque personne ne releva. On passa ensuite à
l’examen du complot de l’œillet, mais un des jurés fit
observer à Herman que l’accusée n’avait pas répondu
sur le fait évoqué par le citoyen Hébert. On avait voulu
la dessiner sous les traits d’une Agrippine, elle se
défendit avec majesté, une majesté quasi divine : « Si je
n’ai pas répondu, dit-elle, c’est que la nature se refuse
à répondre à une pareille inculpation faite à une mère.
J’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici. »
Hébert, comme un enfant pris en faute, baissa la tête
pour regarder ses souliers. Sur les marches du palais,
une poissarde dit à une autre : « Si tu veux mon avis,
elle s’en tirera. Elle a répondu comme un ange, on ne
fera que la déporter contre une rançon. »

    Je suis plus circonspect. Cela me coûte, mais je dois
avouer que je ne me fais aucune illusion sur son sort :
une fosse commune, la tête entre les jambes, et le corps
recouvert de chaux. Jeannot partage mon avis : « Encore
quelques heures, et le bourreau jouera à la boule avec
la tête de la louve ! »
     

    15 octobre 1793

    Nous sommes le 15 octobre, jour de la Sainte-Thérèse. C’est la fête de sa mère, l’Impératrice, qu’elle va
bientôt retrouver. C’est aussi celle de sa fille, MadameRoyale, qu’elle ne reverra plus jamais. C’est, enfin, le
deuxième et sans doute dernier jour du procès.
     

    16 octobre 1793

    Deux bougies versent des larmes de cire sur la petite
table à côté de son lit. Elle s’est couchée sans avoir pris
la peine de se dévêtir. À quoi bon respecter les usages ?
Dans quelques heures, tout sera fini. Elle ne dort pas. À
quoi peut-on penser quand on a régné sur trente millions de sujets et qu’on s’apprête à mourir ?

    Il était quatre heures du matin quand le procès a pris
fin. Elle a conclu en disant simplement : « Hier je ne
connaissais pas les témoins. J’ignorais ce qu’ils allaient
déposer. Eh bien, personne n’a articulé contre moi
aucun fait positif. Je finis en observant que je n’étais
que la femme de Louis XVI et qu’il fallait bien que je
me conformasse à ses volontés. »

    Comme elle se sentait mal, le lieutenant Debusne,
préposé à sa conduite, lui offrit son avant-bras pour
descendre les escaliers. C’est alors qu’elle lui demanda :
« Croyez-vous qu’on va me déporter ? » On raconte
qu’il n’a pas osé lui répondre.

    Elle a été reconnue coupable de tous les chefs d’accusation. Fouquier-Tinville requit la peine de mort,
tandis qu’il faisait arrêter ses défenseurs, Chauveau-Lagarde et Tronson du Coudray, accusés d’avoir
offensé la justice.

    Elle a demandé une plume et du papier, dernière
faveur qui lui a été accordée. Elle a rédigé une lettre,
puis elle s’est changée.

    Comme Jeannot se penchait pour mieux la voir – sa
gorge ! – elle le supplia :

    — Monsieur, au nom de l’honnêteté, permettez que
je change de linge sans témoin !

    — Je ne dois pas vous perdre de vue un seul instant,
répondit-il avec mauvaise foi. Ce sont les ordres.

    Elle soupira, leva les yeux au ciel, couvrit sa gorge
d’un fichu pendant que Rosalie se plaça devant elle
pour la soustraire à l’œil indiscret de Jeannot.

    La chemise qu’elle venait d’enlever était maculée de
sang – ses saignements avaient repris de plus belle
durant la dernière nuit. Pendant quelques secondes,
elle chercha un endroit où elle pourrait la cacher. Un
renfoncement du mur derrière le poêle fit l’affaire.

    Un prêtre assermenté s’est présenté pour lui offrir
ses consolations. Elle le remercia et l’éconduit poliment. Puis le bourreau est arrivé pour couper ses cheveux blancs.

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