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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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pas à ce qu’ils ont fait en novembre 1918. Leur jour des comptes est venu [3] . »
    Presque aussitôt, une circulaire sur la question juive fut dépêchée à tous les consulats et missions diplomatiques.
    Elle portait ces mots : « Le but de la politique de l’Allemagne est l’émigration de tous les Juifs qui vivent sur son territoire. »
    Or, depuis l’avènement du national-socialisme, à peine plus de cent mille Juifs – sur les cinq cent mille recensés en Allemagne – avaient légalement ou illégalement quitté le pays et trouvé une patrie d’adoption.
    Paradoxalement, au lieu de provoquer un grand mouvement de solidarité, cette émigration avait suscité l’hostilité des populations, que ce fût en Amérique, en France, en Hollande, en Norvège ou encore en Grande-Bretagne. Autre paradoxe, et non des moindres, dans le même temps que les nations occidentales condamnaient l’attitude germanique, elles persistaient à maintenir fermées leurs frontières aux Juifs désireux de fuir l’Allemagne.
    Le 15 novembre 1938, au cours d’une conférence de presse, le président Roosevelt lut une déclaration dans laquelle il fit observer : « Les nouvelles d’Allemagne ont profondément choqué l’opinion américaine. Je ne puis, moi-même, croire sans peine que de telles horreurs puissent se produire au XX e  siècle, dans un pays civilisé. Pour savoir à quoi nous en tenir, j’ai demandé au secrétaire d’État de rappeler immédiatement notre ambassadeur à Berlin. Son rapport dictera notre attitude. »
    La condamnation officielle resta verbale. Les États-Unis conservèrent des relations normales avec le III e  Reich…
    Le 29 janvier 1939, dans un discours au Reichstag pour le sixième anniversaire de l’accession des nazis au pouvoir, Hitler déclara ouvertement la guerre à ce qu’il appelait « la juiverie mondiale ». Il accusa l’Angleterre, l’Amérique et la France d’être continuellement poussées à la haine de l’Allemagne par toutes sortes d’agitateurs, juifs et non juifs, alors que lui, Hitler, ne souhaitait que le calme et la paix ( sic ). Il conclut : « Au cours de ma vie, j’ai souvent été prophète et j’ai toujours été tourné en ridicule. Pourtant, une fois de plus, je vais lancer une prophétie : si les financiers juifs internationaux, au-dedans et au-dehors de l’Europe, réussissaient à plonger, encore une fois, les nations dans une guerre mondiale, le résultat ne serait pas la bolchevisation de la terre, et par conséquent la victoire de la juiverie, mais l’annihilation de la race juive en Europe ! »
     
    Au lendemain de la nuit de Cristal, assis dans sa cuisine, Dan Singer réfléchissait devant un café froid, la tête entre les mains. Voilà cinq ans qu’il tentait de se rassurer, de rassurer les siens. Après tout, n’était-il pas médecin ? Son métier ne consistait-il pas à apaiser les tourments des êtres qui venaient le consulter ?
    Il rassurait. Mais le pourrait-il encore ? Il avait tout noté, tout engrangé dans son esprit. Trois mois après l’avènement de la Bête – un 30 janvier 1933 – on apprenait qu’un premier camp avait été inauguré près de Munich.
    Le 1 er  avril fut ordonné le boycott des entreprises et des négoces juifs. Le 7, interdiction leur était faite d’enseigner dans les universités ou de travailler dans les services publics. C’est ainsi que Dan s’était vu condamner l’accès à l’hôpital où il pratiquait depuis plus de vingt ans. Il s’était rabattu sur une clientèle privée. Mais très vite, cette faculté lui fut elle aussi retirée. Alors, à court de moyens, lui et sa famille avaient dû abandonner l’appartement qu’ils occupaient à Dahlem, un quartier résidentiel de Berlin, pour aller trouver refuge ici, dans cette partie de la ville à prédominance juive.
    Le 10 mai 1933, au cours d’un autodafé, on avait brûlé les livres écrits par des Juifs, des opposants politiques, ou tout auteur qui ne se situait pas dans la ligne du Parti nazi. Un an se passa sans que de nouveaux préjudices soient infligés. Singer – comme tant d’autres –, dans son optimisme aveugle, avait pensé qu’on en resterait là. Grossière erreur. Ce n’étaient que les prémices. À partir de mai 1934, tous les Juifs furent exclus de l’armée. Le 15 septembre 1935, les lois de Nuremberg privèrent les Juifs de leur citoyenneté allemande. Ils n’avaient

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