Un caprice de Bonaparte
type ne plaisantera pas longtemps avec moi. Que fait-il ici ?
FOUCHÉ.
Du scandale, comme vous le voyez !... Il court les avocats, ameute les gens et clame dans la rue que vous avez commis une injustice à son égard.
BONAPARTE.
Que veut-il donc encore de moi, cet idiot ? A peine pense-t-on s’en être débarrassé qu’il s’accroche à vous de nouveau. Que demande-t-il, en vérité, puisqu’il peut avoir ce qu’il veut, que je lui ai fait offrir tout ce qui est possible par Berthier.
FOUCHÉ.
Son droit, dit-il. Mais je crois plutôt que c’est sa femme qu’il veut !
BONAPARTE.
Pour ma part, il n’a qu’à la reprendre, je ne l’en empêcherai pas. Il y a belle lurette que cette affaire est terminée pour moi... Et puis Dieu sait que je n’ai pas de temps maintenant à consacrer à des affaires de femmes. Mettez énergiquement une fin à cela ! Il ne faut pas que ce lourdaud coure plus longtemps derrière moi parce qu’en Egypte il m’a plu de coucher quelques mois avec une femme... Nous avons d’autres chats à fouetter en ce moment ! Demain il faut que je traverse le Saint-Bernard avec mon armée pour chasser l’archiduc d’Italie. C’est lui mon adversaire et non pas un monsieur Fourès. Finissons-en avec cette bagatelle, et pour toujours. Vous viendrez bien à bout d’un pareil nigaud, je crois.
FOUCHÉ.
Malheureusement, c’est toujours avec les nigauds qu’on a le plus de mal : Si ce Fourès n’avait pas été un imbécile, il aurait fermé le bec et accepté ce qu’on lui offrait... Mais vos militaires là-bas lui ont fait perdre le peu de jugeote qui lui restait. Celui-là, on ne pourra plus lui faire entendre raison ni par l’argent ni par la force ! Et d’un homme arrivé au point qu’il ne craint même plus le ridicule on peut s’attendre à tout ! Et puis, que voulez-vous, citoyen Consul... pardonnez ma franchise, légalement, cet homme a raison ! ( Silence ) Enfin cela pourrait encourager certaines personnes... ( Autre silence ) Je ne vois qu’un moyen...
BONAPARTE, impatient .
Lequel ?
FOUCHÉ.
Voir sa femme. Avec Fourès lui-même il n’y a rien à faire, disions-nous. Il se laissera plutôt mettre en morceaux que de se taire. Mais il en est tout autrement avec la femme. Dans cette affaire sa conscience n’est pas tout à fait tranquille... aussi avec un peu d’énergie sa résistance ne sera pas longue. ( Il regarde flegmatiquement sa montre ) Onze heures, cela tombe à pic, j’ai justement convoqué madame Fourès pour ce matin, à onze heures. Si vous intervenez énergiquement vous-même, en cinq minutes nous obtiendrons d’elle ce que nous voulons : c’est-à-dire qu’elle quitte Paris. L’essentiel est qu’elle disparaisse le plus tôt possible, primo pour empêcher Fourès de la relancer ; ensuite pour que dans la rue on ne puisse pas se montrer du doigt l’ancienne maîtresse du Premier Consul. Aussi longtemps qu’il y aura à Paris une Mme Fourès, cette affaire ne sera pas définitivement enterrée.
BONAPARTE le regarde avec une certaine admiration.
Vous avez raison, Fouché ! Vous voyez toujours clair en diable ! Je n’y ai pas pensé. Bien sûr, il faut qu’elle quitte Paris, une fois pour toutes, et déjà à cause de Joséphine. Et si elle veut que son mari ne laisse pas sa peau dans cette histoire, il faut qu’elle le délivre de sa folie. Vous avez raison : c’est le seul moyen de s’en tirer ! ( Silence )... Mais je ne voudrais pas que vous soyez trop dur avec elle. Elle ne l’a vraiment pas mérité de ma part. Je préfère lui parler moi-même. ( D’un air décidé ) : Bien, qu’elle vienne !
FOUCHÉ sonne l’huissier.
Une citoyenne Fourès doit attendre dans l’antichambre. Faites-la entrer. Faites en même temps savoir que je donne l’ordre de délivrer le lieutenant Fourès et de me l’amener ici. ( L’huissier sort. A Bonaparte ) : Pour ce qui est de lui, je m’en charge. Espérons qu’il filera doux. Et si pas ?
BONAPARTE.
Essayez encore une fois par la douceur. Mais s’il persiste à faire du scandale, alors plus de ménagement ! Aussi longtemps que je suis en campagne, personne ne doit sourciller. Celui qui n’obéit pas il faut lui apprendre à obéir : je compte absolument sur votre énergie, Fouché !
UN HUISSIER annonce :
La citoyenne Fourès.
(Fouché fait mine de se
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