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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stefan Zweig
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Fourès attend. Silence total. Puis il s’empare du cordon avec violence et sonne à toute volée sans s’arrêter.
     
    (A l’arrière-plan, un groupe d’ouvriers occupés à des travaux de terrassement. Etonnés de ce vacarme, ils lèvent la tête et se mettent à rire.)

     
     
    UN OUVRIER, lance à l’adresse de Fourès.
     
    T’es bien pressé, on dirait ! Tu viens sans doute pour des dettes ?
     
    FOURÈS, avec un rire amer.
     
    Oui, c’est quelque chose dans ce genre, mon brave ! S’ils ont les oreilles bouchées là-dedans, nous allons les déboucher !
     
    (Il recommence à tirer le cordon et si violemment que le bruit se répand dans la rue. Des passants s’arrêtent, curieux, les ouvriers déposent leurs pelles et attendent la suite.)
     
    DEUXIEME OUVRIER.
     
    Je voudrais bien savoir si tu vas arriver à faire bouger quelqu’un. Faut croire qu’il n’y a personne à la maison !
     
    FOURÈS.
     
    Mais si, mais si ! Restez, camarades, restez !... On va rigoler, c’est moi qui vous le dis !...
     
    (Il continue à sonner avec violence.)
     
    LES OUVRIERS.
     
    Ho ! ho ! tu fais un potin à réveiller les morts ! Le cordon va te rester dans la main !

     
    UN DOMESTIQUE, sort furieusement de la maison et se plante devant la porte.
     
    Pourquoi fais-tu ce bruit d’enfer ?
     
    FOURÈS.
     
    Je veux parler à la citoyenne Fourès.
     
    LE DOMESTIQUE, insolent .
     
    Je ne connais pas de citoyenne Fourès.
     
    FOURÈS.
     
    Qui donc habite ici ?
     
    LE DOMESTIQUE.
    Ça ne regarde personne !
     
    FOURÈS.
     
    Peut-être que si ! Tu vas ouvrir sur-le-champ et m’annoncer !
     
    LE DOMESTIQUE.
     
    Je n’y pense même pas ! Ouvrir à un individu comme toi ? Personne n’est là pour toi, même s’il y a du monde à la maison.
     
    FOURÈS.
     
    On verra bien ! On va surtout voir si au pays de France on peut empêcher un citoyen de parler à sa femme !

     
    LE DOMESTIQUE, pouffe de rire.
     
    Pauvre diable ! Ta femme ? Rentre chez toi, mon vieux, va cuver ton vin ! Celui qui est avec la femme d’ici a une autre bobine que toi !
     
    (Les badauds rient.)
     
    FOURÈS.
     
    Tu vas ouvrir immédiatement, misérable larbin, sinon j’enfonce la porte.
     
    (Il se jette sur lui et essaye de lui faire dégringoler les marches. Le domestique le repousse. Les spectateurs hurlent de plaisir.)
     
    LES OUVRIERS.
     
    Vas-y, Toto ! Pour sûr qu’elle est au lit avec son amant ! Sors-le du plumard en lui chatouillant les côtes ! Vas-y carrément.
     
    AUTRES OUVRIERS.
     
    Quel scandale ! Ça ne devrait pas exister des choses pareilles.
     
    LE DOMESTIQUE, criant aussi fort que possible.
     
    Au secours ! Au secours ! C’est une violation de domicile ! Allez vite chercher l’agent de police du coin ! ( Quelques personnes obéissent. ) On va t’apprendre à danser, sale ivrogne !

     
    FOURÈS.
     
    Et moi je vais te serrer le quiqui, espèce de mouchard, laveur de vaisselle à gages !
     
    LE DOMESTIQUE.
     
    A gages, oui, mais pas servis par toi, sûrement... ( Il aperçoit l’agent, encore invisible aux spectateurs, qui approche. A haute voix  :) A moi, vite à moi, citoyen brigadier !
     
    L’AGENT, suivi d’une foule qui grossit petit à petit.
     
    Qu’est-ce qui se passe ?
     
    LE DOMESTIQUE.
     
    Cet individu veut à tout prix pénétrer dans la maison et profère des menaces. Il m’a menacé : tenez, voici des témoins !
     
    L’AGENT, à Fourès.
     
    Qu’est-ce que vous cherchez ici ? Circulez...
     
    FOURÈS.
     
    Je désire parler à la citoyenne Fourès et cette canaille ment en prétendant qu’il ne la connaît pas !
     
    L’AGENT, au domestique.
     
    Est-ce vrai qu’une citoyenne Fourès habite effectivement ici ?

     
    LE DOMESTIQUE, embarrassé.
     
    J’ai l’ordre formel de ne laisser entrer personne ! Et cet ordre qui vient de très haut vaut pour tout le monde. D’ailleurs, citoyen brigadier, je peux bien vous le dire à vous...
     
    (Il lui fait signe d’approcher et lui chuchote quelque chose à l’oreille.)
     
    L’AGENT, prend aussitôt un air sévère et sur un ton bourru, à Fourès.
     
    Vous n’avez rien à faire ici ! Fichez-moi le camp, immédiatement !
     
    FOURÈS, narquois, se plante devant lui.
     
    Je n’en ai pas l’intention ! Je resterai ici tant qu’il me plaira !
    L’AGENT.
     
    Débarrassez le plancher, vous dis-je, sinon ça ira mal pour vous ! Personne n’a le droit de stationner

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