Une histoire du Canada
d’un côté ou de l’autre. déjà, dans les années 1530, éclatent des guerres entre protestants et catholiques, et elles vont se poursuivre, presque sans arrêt, pendant plus de cent ans. Comme l’a dit l’historien J.r. Miller, c’est « une coïncidence importante sur le plan historique que la période initiale d’exploration et de pénétration européennes en amérique du nord ait été une période d’animosité religieuse intense7. »
Le sentiment de menaces religieuses donne une perception d’urgence renouvelée à la notion de conversion et au mépris des droits abstraits de ceux qui ignorent, de leur plein gré ou non, la doctrine chrétienne. et il faut ajouter à cela la perception que les sociétés nées des villages de l’amérique du nord ne sont pas des entités politiques au sens que leur donnent les européens. elles n’ont pas de véritables monarques et leurs instances dirigeantes sont très peu développées. il est facile (et rentable) de soutenir que l’amérique est une « terra nullius », un territoire sans maître. elle peut donc être revendiquée par les explorateurs du simple fait qu’ils l’ont découverte et, bien sûr, revendiquée au nom du monarque qui a autorisé le voyage de l’explorateur jusqu’en amérique et en a payé les frais. Quand Cartier dresse une croix pour indiquer le lieu de son premier débarquement sur le continent américain, à Gaspé en 1534, il revendique le territoire au nom du Christ, mais aussi du roi François. La terre elle-même s’appelle nouvelle-France, comme le Mexique a été baptisé nouvelle-espagne par ses conquérants. Cela ne signifie nullement que les autochtones comprennent ou acceptent les actes posés par Cartier, en dépit du fait que leurs conséquences, comme celles des actes posés auparavant par les espagnols plus au sud, peuvent être énormes.
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UnE HIsTOIRE dU Canada
On peut dire que, contrairement aux espagnols au Mexique en 1520
et au Pérou en 1532, Cartier ne dispose pas de la force du pouvoir. Cela peut paraître curieux car les membres des expéditions françaises dans le saint-Laurent ne sont pas moins nombreux que ceux de certains aventuriers espagnols aux épopées fructueuses (en réalité, lors de son troisième voyage, en 1541, Cartier peut compter sur quinze cents hommes, beaucoup plus que les armées espagnoles qui ont conquis le Mexique et le Pérou). de surcroît, les espagnols ont été confrontés à des sociétés opulentes et très organisées, ce qui n’est pas le cas des Français. Mais Cartier, tout aussi avide et impitoyable qu’il soit, demeure essentiellement un navigateur, et son équipage est constitué d’hommes aux antécédents semblables. il ne possède pas beaucoup d’armes et ses marins ne constituent pas une armée disciplinée. de leur côté, les dirigeants espagnols étaient des militaires et leur équipage était constitué de soldats, rompus à la discipline. ils ont emmené avec eux des chevaux, des armures de fer et des fusils, même des canons, et ont ainsi bénéficié d’un net avantage technologique sur leurs adversaires autochtones. Leurs dirigeants avaient une bonne motivation – l’or – et ne s’en privaient pas le moment venu. Les avantages étaient à la fois énormes et évidents.
La situation dans la vallée du saint-Laurent en 1534 et 1535
est tout autre. Cartier rencontre des amérindiens lors de son premier voyage et en capture deux pour ramener en France des preuves tangibles de ses exploits. il n’a pas grand-chose d’autre à montrer. il y a bien sûr des fourrures mais, comparées à l’or, elles ne suscitent que peu d’intérêt.
Pourtant, c’est mieux que rien. il y a aussi des pierres, mais elles sont sans valeur. Le saint empereur romain, Charles v, qui est aussi roi d’espagne, ne ressent nullement le besoin de s’opposer à la colonisation française du saint-Laurent. Certainement pas, affirme Charles, car le territoire n’a
« aucune valeur et, si les Français s’en emparent, ils seront bien obligés un jour de l’abandonner ».
de ce point de vue, les deuxième et troisième expéditions de Cartier témoignent du triomphe de l’espoir sur l’expérience. Cartier est à tout le moins parvenu à survivre et à rentrer en France, ce qui n’est pas rien. Bien sûr, il n’aurait pu survivre sans aide. Heureusement pour lui, il est tombé sur deux villages iroquois : stadacona, à l’emplacement actuel de
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