Une histoire du Canada
pour cela, elles ont besoin de l’aide de l’état.
depuis le milieu du dix-neuvième siècle, certaines personnes et certains groupes au sein des diverses églises prêchent en faveur de la prohibition de l’alcool et, au tournant du vingtième siècle, ils parviennent à obliger Laurier à tenir un plébiscite sur cette question. Les tenants de la prohibition passent à un cheveu de la victoire et remportent même quelques votes de plus que leurs opposants. Laurier fait cependant remarquer que le Québec a voté majoritairement dans l’autre camp et, plutôt que de risquer la division entre les Français et les anglais sur ce point, il refuse d’agir. il abandonne ce champ de compétences aux instances locales – les municipalités ont le choix de voter pour la sobriété – et provinciales.
Le mouvement en faveur de la prohibition a un autre effet, celui de mobiliser et de stimuler les réformatrices, en plus de leur enseigner les techniques de la lutte politique. si on donne de l’importance à l’opinion des femmes sur une question comme celle-là, pourquoi ne devrait-on pas le faire de façon plus générale ? dans une société dominée par les hommes, où les femmes sont exclues des questions législatives et subordonnées, il s’agit là d’un point de vue révolutionnaire. C’est aussi une opinion qui pourrait, potentiellement, aider à organiser les femmes de toutes les classes sociales pour exiger le droit de vote. Pourquoi, demandent les suffragettes, refuser le droit de vote à des femmes respectables, dures à la tâche, cultivées ou non, alors que n’importe quel flemmard alcoolique peut l’exercer ?
si les suffragettes réclament et continueront de le faire, pendant de nombreuses années, il n’y aura jamais de motivation suffisante pour accéder à leur revendication. il est manifeste que le mouvement ne mobilise pas suffisamment de femmes pour renverser l’opinion bien ancrée selon laquelle la place des femmes est à la maison et qu’il suffit d’apporter quelques correctifs à la vie à la maison pour régler ce que l’on suppose être de rares cas de véritable injustice ou de réelles souffrances, l’exemple retenu étant celui, proverbial, du mari ivre. C’est une position bizarre à défendre : dans certains cas, dans les fermes, par exemple, c’est la maison qui constitue le lieu de travail et elle dépend directement de la main-d’œuvre féminine ; et 242
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cette dernière représente de toute façon près de cinq pour cent de la main-d’œuvre industrielle.
néanmoins, quand Laurier ou les différents chefs de l’opposition dressent la liste des thèmes d’élections éventuels, jamais on n’y trouve le vote des femmes. il y a toujours d’autres questions à débattre, d’autres décisions à prendre. il y a, par exemple, l’empire.
LA pOLiTiqUE impéRiALE
L’empire britannique est une réalité inéluctable. ses symboles envahissent la vie canadienne, depuis les lithographies universelles de la reine victoria affichées sur les murs des cuisines jusqu’à l’ Union Jack flottant fièrement sur les édifices publics de l’atlantique au Pacifique. On trouve des statues de fer de la reine dans les parcs et sur le pourtour des édifices du Parlement à Ottawa. si l’on en juge d’après les quotidiens, qui relatent tout, depuis les histoires de bâtards royaux jusqu’aux fables destinées à soutenir la moralité qui mettent en vedette une reine pleurant sans cesse son regretté mari, le prince albert, pour les Canadiens, la famille royale est une source intarissable d’intérêt.
Jamais la reine ne vient en visite au Canada. si elle le faisait, elle y découvrirait que le prince albert est réincarné dans une ville du centre de la saskatchewan ou verrait son nom immortalisé dans le district (plus tard la province) de l’alberta20. elle même a donné son nom à la capitale de la Colombie-Britannique, à une ville du Québec (victoriaville), ainsi qu’à des comtés du nouveau-Brunswick et de l’Ontario, et cette liste est loin d’être exhaustive. si les Washingtons pullulent aux états-Unis, on peut dire la même chose des victorias au Canada.
Le père de la reine, son oncle, deux de ses fils, une de ses filles et quelques-uns de ses petits-fils se rendent au Canada et y font même d’assez longs séjours, mais aucun monarque en fonction ne mettra le pied au Canada avant 193921. Le monarque se fait plutôt
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