Une histoire du Canada
comporter une majorité anglophone.
inutile de le préciser, l’assemblée s’oppose au projet et dépêche Papineau à Londres pour influencer l’opinion contre ce dernier. déjà, le projet de loi est devenu la cible des députés de l’opposition, qui sont en mesure de le retarder en prolongeant les débats, ce qui suffit à le faire dérailler. À
Londres, où, et ce ne sera pas la dernière fois, les affaires coloniales sont perçues comme un obstacle à l’étude d’affaires plus importantes, Papineau prêche donc devant des convertis.
Cet épisode semble avoir trouvé une solution satisfaisante, mais il déclenche une évolution graduelle de la situation du Bas-Canada, qui passe d’une colonie grincheuse mais satisfaite à un état de rébellion armée en 1837. tout d’abord, les Patriotes dirigent leur colère vers le « parti anglais », dont c’est précisément la stratégie. Cela soulève la question du choix de conseillers que fait le gouverneur et de la quasi-certitude qu’il pourrait en choisir de meilleurs, moins engoncés dans leurs préjugés et la recherche de leur intérêt personnel. L’assemblée dispose d’une arme : les revenus bien évidemment nécessaires pour payer les fonctionnaires, dont ceux auxquels l’assemblée s’objecte. Faisant preuve de sa remarquable compétence en la matière, dalhousie oppose la meilleure résistance possible jusqu’à ce que les événements l’obligent à se retirer en 1828.
Le gouvernement britannique ne ménage pas ses efforts, lui non plus.
il fait des concessions concernant les revenus. il nomme des gouverneurs conciliants, lord aylmer (1830–1835), qui a au moins le mérite de très bien s’exprimer en français, et lord Gosford (1835–1837), qui s’est taillé une 7•TransformaTionseTrelaTions,1815–1840
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réputation bien méritée chez lui en irlande d’homme politique large d’esprit et conciliant. tous deux sont incapables de faire des progrès. Comme l’a fait remarquer Phillip Buckner, biographe d’aylmer, les hommes politiques du Bas-Canada, Papineau en tête, sont déterminés à prouver que même le meilleur gouverneur doit être considéré comme un échec30. au début des années 1830, de constitutionnaliste libéral qu’il était, Papineau est devenu un républicain radical, un admirateur de la révolution française de 1830
et un partisan enthousiaste de la démocratie à l’américaine, à condition, bien entendu, que ses privilèges de seigneur soient respectés après la révolution, en plus de quelques bagatelles semblables. en 1832, Papineau a écarté beaucoup de ses anciens associés modérés et professe une révision en profondeur de la constitution du Bas-Canada.
ses partisans et lui refusent les tentatives britanniques d’en arriver à un compromis à propos du contrôle des revenus. si l’on doit dépenser des fonds publics, surtout pour payer les détenteurs de fonctions publiques, ils veulent déterminer qui doivent être ces détenteurs. Le point important réside dans l’aspect négatif de la proposition : si Papineau choisit les conseillers du gouverneur, ce ne sera pas le gouverneur ni même le gouvernement britannique qui dirigera la province.
Pendant les années 1830, l’hystérie politique prend de l’ampleur.
Certains Patriotes soupçonnent le gouvernement d’essayer de les noyer sous une vague d’immigration. Mais lorsque, en 1832, l’immigration provoque une épidémie de choléra qui emporte sept mille personnes sur une population de 500 000 habitants, certains Patriotes en viennent à penser que le gouvernement s’efforce véritablement d’exterminer les Canadiens français pour les remplacer par des immigrants anglophones. Cette même année 1832, une émeute provoquée par les élections à Montréal oblige l’armée britannique à intervenir pour maintenir l’ordre. Les soldats tirent sur les émeutiers et en tuent trois – nouvelle preuve, si besoin en était, de la tyrannie britannique.
en 1834, Papineau et ses partisans font adopter les Quatre-vingt-douze résolutions par la Chambre d’assemblée, exigeant le contrôle populaire sur le gouvernement par le biais d’élections ; et, grâce aux élections, ils y remportent une écrasante majorité. ils s’en servent pour faire obstacle à toutes les lois, y compris celles sur les revenus, jusqu’à ce qu’on ait accédé à leurs revendications constitutionnelles. C’est tout ou rien, quoique ce
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