Une histoire du Canada
n’est peut-être pas ainsi que Papineau voit les choses. Les gouverneurs, eux, le comprennent très bien et, au bout du compte, le gouvernement britannique également.
Face à cette situation, le gouvernement prend trois mesures : il garde sir John Colborne, général à la grande expérience, au Canada ; il 158
UnE HIsTOIRE dU Canada
commence à établir des relations avec des hommes politiques plus modérés ; et il met tout en œuvre pour consolider les revenus qu’il peut soustraire au contrôle de l’assemblée, de façon à maintenir un semblant de gouvernement.
Comme lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, Colborne a fait l’objet de critiques – trop aux yeux du gouvernement impérial libéral (voir plus bas), de sorte que les whigs l’ont rappelé en 1836. en tant que général, toutefois, il se révèle l’homme idéal, se trouvant au bon endroit au bon moment. Le gouverneur général, lord Gosford, est un homme très pacifique et porté aux compromis ; pendant un certain temps, en 1837 et 1838, il semble que sa politique de compromis, d’établissement de rapports avec l’opposition, a échoué. Comme l’indiquera la suite des choses, cependant, elle n’a pas échoué même si Gosford lui-même, qui démissionne de son poste en novembre 1837 et quitte la province au début de l’année suivante, ne pourra en être témoin31. il reste à Colborne à préparer la scène en rassemblant des troupes et en renforçant ses positions.
sans s’en apercevoir, Papineau et Colborne prennent la même direction. À l’été et à l’automne de 1837, Papineau convoque une série de réunions monstres, les « assemblées » dans toute la province. dans ces réunions, les propos utilisés deviennent de plus en plus insensés. Comme le soulignera plus tard l’historien allan Greer, c’est sans doute nécessaire pour éloigner les Canadiens français d’une vision du monde profondément ancrée dans le monarchisme et la tradition. s’ils veulent inculquer des notions républicaines, les Papineau et consorts doivent commencer par se débarrasser du discours monarchique avant d’abolir la monarchie ellemême. La jeune reine, victoria, qui vient juste d’accéder au trône, devient la cible privilégiée d’insultes personnelles32. Puis, prenant ainsi une mesure qui rappelle les rebelles avant la révolution américaine, Papineau met en place des « comités de correspondance ».
Coincé entre les discours et la réalité, Papineau fait confiance aux discours. Par mesure préventive, il a été en contact avec le dirigeant radical du Haut-Canada, William Lyon Mackenzie, et espère des soulèvements simultanés, de sorte que la garnison britannique s’en trouvera débordée. Les discours n’ont pas l’effet escompté ; au lieu de terroriser le gouvernement et ses partisans, ils leur donnent un coup de fouet : les patriotes britanniques locaux se mobilisent pour défendre leurs concepts constitutionnels opposés à ceux de Papineau. La perplexité s’empare du dirigeant populaire. Le gouverneur suspend la constitution, autorise la levée de forces paramilitaires parmi les loyaux sujets (anglophones) et émet des mandats d’arrêt contre Papineau et ses comparses.
Les combats éclatent en novembre 1837, au nord et au sud de Montréal. Point essentiel, les autres régions de la province ne s’en mêlent pas. Colborne est prêt et, après quelques premiers revers, il écrase les 7•TransformaTionseTrelaTions,1815–1840
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rebelles. ses forces régulières et leurs alliés paramilitaires officieux se livrent au pillage et aux incendies, faisant l’illustration de ce qu’entraînera la rébellion et la résistance33. Papineau et certains de ses partisans s’enfuient aux états-Unis tout proches, tandis que d’autres, restés sur place, font face à la mort ou à l’arrestation.
aux états-Unis, on rapporte des soulèvements et des incursions sporadiques de sympathisants rebelles pendant à peu près un an, mais ils sont repoussés. analysant l’ensemble des rébellions et leur répression, l’historien allan Greer en viendra à la conclusion qu’« elles constituent un épisode pénible et douloureux qui eut des effets décisifs et durables34. »
Les rebelles se sont trop documentés sur la révolte de 1830 à Paris, qui a fait tomber l’impopulaire roi bourbon Charles X, ou sur les révolutions en amérique latine, qui ont mis un terme à l’empire espagnol. ils conçoivent et
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