Une histoire du Canada
canadiens-français. Collectivement, on les appelle parfois
« le parti anglais » ou encore le « Château Clique », qui rappelle le nom de la résidence du gouverneur général à Québec. dalhousie voit d’un bon oeil le caractère « solide et permanent » du conseil législatif, mais, dès le départ, il a des problèmes avec la Chambre d’assemblée28. Celle-ci est l’élément récalcitrant de la constitution, mais en général, en faisant certains compromis, on peut s’assurer sa collaboration.
L’assemblée n’adopte pas un discours particulièrement radical ; on peut décrire sa politique comme modérément libérale, puisqu’elle accepte les avantages de la constitution de 1791 tout en affichant une propension à les étendre le plus possible. Le personnage le plus en vue de l’assemblée est son président, Louis-Joseph Papineau, lui-même seigneur (de Montebello, sur la rivière des Outaouais). relativement jeune – il a trente-quatre ans en 1820 – Papineau est déjà un vétéran de l’assemblée (depuis 1809). il a été officier de la milice pendant la guerre de 1812 et, au début des années 1820, se croit et se proclame lui-même un loyal sujet et un fervent partisan de la relation avec la Grande-Bretagne. il attache beaucoup de valeur aux libertés offertes par l’autorité britannique, en particulier à la capacité de la majorité canadienne-française du Bas-Canada de conserver sa langue et ses traditions même sous l’autorité anglophone et protestante.
Malgré tout, Papineau est un homme de contradictions, instable, opportuniste et dont la pensée obéit mal à une logique formelle, comme l’a montré son biographe, Fernand Ouellet29. Personnellement, il ne croit pas en l’église catholique mais la perçoit néanmoins comme un rempart pour l’identité canadienne-française et estime qu’en tant que seigneur, il doit donner l’exemple à ses métayers en assistant à la messe. (Pourtant, sur son lit de mort, il refusera les derniers sacrements catholiques.) après 1815, Papineau devient le chef incontesté des Patriotes, le regroupement majoritaire modérément libéral et nationaliste de l’assemblée et, au cours des vingt années qui suivent, dame le pion à tous ses rivaux éventuels.
Manifestement, il s’attend à ce que les Patriotes se mettent au service de ses objectifs, quels qu’ils soient ; à l’instar du personnage lui-même, ceux-ci sont souvent confus et incertains, un discours audacieux qui se traduit par des actes souvent timides. Comme c’est souvent le cas des orateurs audacieux, Papineau connaît le pouvoir des mots et en exploite l’impact ; par contre, il ne voit pas qu’une fois les mots prononcés, il n’est pas facile de les retirer ni de les remplacer par d’autres sentiments, permettant de mieux transiger.
en 1822, survient un événement qui va se révéler déterminant dans la vie politique du Bas-Canada. Le « parti anglais » conçoit le projet de changer la constitution dans le but de renforcer sa propre position et d’affaiblir celle de l’assemblée dominée par les Patriotes. À cet effet, 156
UnE HIsTOIRE dU Canada
il envisage de renverser l’une des principales dispositions de la Loi sur le Canada de 1791, qui a eu pour effet de diviser le Haut et le Bas-Canada. Les deux Canadas doivent être réunis, avec la collaboration du gouvernement de Londres mais sans le consentement de la Chambre d’assemblée et, au départ, sans même que celle-ci en soit mise au courant. en 1822, le sous-secrétaire aux colonies dépose donc un projet de loi sur l’union politique, l’ Union Bill , à la Chambre des communes britannique.
Quand le Bas-Canada prend connaissance des dispositions du projet le loi, cela suscite une violente opposition. Le projet de loi fait de l’anglais la seule langue officielle du gouvernement de la province et, après un intermède de quinze ans, prévoit que seul l’anglais peut être utilisé à la Chambre d’assemblée. il étend la mainmise gouvernementale sur le clergé catholique, qui ne peut percevoir la dîme auprès de ses fidèles qu’avec l’approbation du gouverneur. il augmente les exigences en matière de biens fonciers applicables aux électeurs, mesure dont on peut supposer qu’elle est dirigée contre la majorité de la population. et, comme la population du Haut-Canada est en croissance rapide, il y a la perspective de voir tôt ou tard la nouvelle province du Canada uni
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