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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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or nourrit l’Islam. » Ce à quoi le shah ne
trouva absolument rien à objecter.
    — Qu’aurais-je bien pu dire ? riposta
faiblement ce dernier, comme s’il avait déjà maintes fois répété cette
réplique. L’autorité du chef spirituel s’impose toujours au chef temporel.
    Sa femme poursuivit, implacable :
    — Bagdad aurait pu contenir les Mongols et leurs
alliés d’Ormuz, mais la disette imposée par le siège devint bientôt
insoutenable. Les gens mangèrent tout ce qui était comestible, jusqu’aux rats
de la ville, mais s’affaiblissaient jour après jour. Beaucoup succombèrent, et
les survivants demeuraient incapables de combattre. Quand vint l’inéluctable
chute de la cité, Hulagu emprisonna le calife Mustasim seul dans une pièce et
le laissa souffrir encore davantage de la faim, jusqu’à ce que le saint homme
se retrouvât contraint d’implorer qu’on lui donne à manger. Hulagu vint alors
lui offrir de ses mains un plateau rempli de pièces d’or. Le calife
gémit : « Mais personne ne peut manger de l’or... » Ce à quoi
Hulagu rétorqua : « Lorsque je t’en ai demandé, tu m’as dit qu’il
nourrissait l’Islam. Il a nourri ta sainte cité, n’est-ce pas ?
Maintenant, prie pour qu’il te nourrisse à ton tour. » Sur ce, il fit
fondre l’or et ordonna que l’on versât le métal en fusion dans la gorge du
vieil homme qui mourut dans d’atroces souffrances. Mustasim fut le dernier chef
spirituel d’un califat vieux de cinq cents ans, et Bagdad, aujourd’hui, n’est
plus la capitale de la Perse ni celle de l’Islam.
    Nous secouâmes la tête avec l’air de commisération qui
convenait à la situation, ce qui encouragea la shahryar à ajouter :
    — Voulez-vous savoir à quel niveau est tombé
notre pouvoir ? Mon mari ici présent, le shah Zaman, naguère shahinshah de
tout l’Empire perse, en est réduit à être un gardien de pigeons et un cueilleur
de cerises !
    — Enfin, ma chère..., souffla le shah.
    — Parfaitement ! L’un des khans les moins
puissants, quelque part vers l’est, nous ne l’avons jamais rencontré, a un goût
très prononcé pour les cerises bien mûres. Il est aussi féru de pigeons, et
ceux qu’il a élevés, d’où qu’on les lâche, reviennent toujours chez lui.
Figurez-vous que nous avons à l’heure actuelle plusieurs centaines de ces rats
emplumés dans un pigeonnier, à côté des étables du palais, et que chacun est
équipé d’un petit sachet de soie. Mon empereur de mari doit suivre des
instructions. L’été prochain, dès que nos cerisiers seront arrivés à maturité,
nous sommes tenus d’en cueillir les fruits, d’en glisser un ou deux dans les
sachets en question, de les attacher aux pattes des pigeons, puis de leur
rendre la liberté. Comme l’oiseau Rukh [25] emportant hommes, lions et princesses, les pigeons apporteront nos cerises
à notre ilkhan qui les attend. Si nous ne payons pas cet humiliant tribut, nul
doute qu’il viendra depuis l’est mettre la ville à sac et la laisser à nouveau
dévastée.
    — Ma chère, je suis sûr que ces nobles visiteurs
sont à présent fatigués de... d’avoir tant voyagé, acheva le shah, passablement
épuisé lui-même.
    Il fit résonner une seconde fois le gong pour mander
le majordome, le wazir, et s’adressa à nous en ces termes :
    — Vous avez sans doute envie de vous reposer et
de vous rafraîchir. Après quoi, si vous m’en faites l’honneur, nous nous
retrouverons autour du dîner.
    Le wazir, un homme mélancolique entre deux âges
nommé Jamshid, nous montra nos chambres, une suite de trois pièces
communicantes. Celles-ci étaient richement meublées, avec des murs et des sols
tapissés de qali, des fenêtres de pierre sculptée en dentelle ajourée
aux fines vitres de verre et des lits moelleux garnis d’édredons et de
coussins. Nos sacs avaient déjà été prélevés sur nos chevaux et déposés à
l’intérieur.
    — Et voici un domestique pour chacun d’entre
vous, annonça le wazir Jamshid en nous présentant trois jeunes hommes
aussi souples qu’imberbes. Tous trois excellent dans l’art indien de la champna, qu’ils vous offriront dès que vous serez passés au hammam.
    — Ah, parfait ! fit en écho oncle Matteo,
visiblement enchanté. Je crois, Nico, que nous n’avons pas savouré les
bienfaits d’un bain depuis notre traversée du Tadjikistan.
    Nous bénéficiâmes donc à nouveau de la purification

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