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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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en
profondeur et du délassement de ce hammam qu’on nous avait si élégamment
prescrit, où nos trois domestiques se chargèrent de nous masser. Après quoi
nous nous retrouvâmes étendus nus chacun sur son lit, dans sa chambre, pour
cette fameuse champna, comme l’avait appelée le wazir. Je ne
savais pas du tout de quoi il s’agissait. Si je m’étais fié au nom, je me
serais attendu à une exhibition de danse. Cela s’avéra un vigoureux massage, un
pétrissage parfois martelé de l’intégralité du corps, plus énergique que celui
pratiqué au hammam, dont la finalité n’était pas d’extraire du corps ses
impuretés mais juste de lui procurer vigueur, tonus et santé.
    Mon jeune valet Karim ne se priva pas de me pincer, de
me pilonner et de me tordre avec entrain, ce qui me parut, au début, quelque
peu douloureux. Cependant, progressivement, mes muscles, articulations et
tendons, ankylosés par notre longue chevauchée, se détendirent sous cet assaut,
et je ne tardai pas à me sentir empli d’aise, puis bientôt parcouru d’un
frisson de vitalité. Entre autres effets, cet entrain donna soudain
singulièrement vie à une partie quelque peu impertinente de ma personne, et je
m’en sentis passablement gêné. C’est alors que je vis, stupéfait, Karim
s’emparer soudain de mon membre et commencer à le manier d’une main qui me
paraissait particulièrement experte à ce genre d’exercice.
    — Je peux fort bien m’occuper de cela moi-même, lançai-je,
mordant, pour peu que je le juge nécessaire.
    Il haussa les épaules avec une délicate légèreté et
glissa simplement :
    — Qu’il en soit fait suivant les désirs de
Mirza... Ses désirs sont des ordres !
    Là-dessus, il se concentra sur des parties moins
intimes. Il finit par cesser de me malmener et, alors que je demeurais allongé,
partagé entre l’envie de m’assoupir et celle de sauter à terre pour me livrer à
corps perdu à de vigoureuses performances athlétiques, il me demanda s’il lui
était possible de prendre congé.
    — Pour aller m’occuper de votre oncle,
plaida-t-il. Un homme aussi massif que lui va requérir l’union de nos trois
forces pour lui administrer la champna qu’il mérite.
    Je lui en accordai bien sûr l’aimable autorisation et
m’abandonnai à ma somnolence. Je pense que mon père dut également dormir
longuement cet après-midi-là, mais mon oncle bénéficia sans doute, pour sa
part, d’un traitement un peu plus énergique que le nôtre, car les trois jeunes
gens quittaient à peine sa chambre quand Jamshid vint nous enjoindre de nous
vêtir pour le repas du soir. Il nous apportait à cet effet des habits dans le
plus pur style persan, parfumés à la myrrhe : le si doux et léger pai-jamah, une longue chemise serrée aux poignets, au-dessus de laquelle on enfilait
une petite veste brodée, une large ceinture de tissu enserrant étroitement la
taille, des babouches de soie à l’extrémité recourbée et pointue, et, au lieu
de keffiehs tombants, des turbans. Mon père et mon oncle n’eurent aucune
difficulté à ajuster avec soin ces derniers autour de leur tête, mais il fallut
que Karim me montrât comment enrouler et fixer le mien. Lorsque nous fumes
prêts, nous affichions tous une exceptionnelle prestance. Semblables à de
parfaits Persans, nous avions vraiment l’air de Mirza de la plus pure noblesse.

 
21
    Notre wazir Jamshid nous conduisit dans une
salle à manger aux dimensions respectables mais non exagérées, illuminée de
torches et bruissant d’une foule de serviteurs et de valets. Tous étaient des hommes,
et le shah Zaman fut seul à nous rejoindre autour de la nappe somptueusement
garnie de notre repas du soir. J’éprouvai un certain soulagement en constatant
que l’usage domestique du palais n’autorisait pas les femmes à violer les
coutumes musulmanes en venant partager leur repas avec les hommes. Nous eûmes
donc le plaisir de passer ce dîner en la compagnie exclusive du shah, sans
jamais être interrompus par les envahissantes péroraisons de la shahryar. La
seule fois qu’il parla d’elle, ce fut pour préciser :
    — La Première Dame, qui est, vous le savez, du
sang royal de Saba, n’a jamais pu se résoudre au fait que nous, qui étions
naguère soumis directement aux ordres du calife, soyons à présent inféodés à un
khan. Telle une jument de pur-sang arabe, la shahryar Zahd rue dans les
brancards dès qu’elle est harnachée. Mais, par

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