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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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pas question
que nous l’abandonnions sur le sable, ni que nous l’enterrions, car ce que l’on
cherche à ensevelir, si profond que l’on tente de le faire, finit toujours par
être exhumé par le vent du désert, comme les vulgaires bouses de chameaux que
laisse la caravane dans son sillage.
    En venant de l’oasis, nous avions longé la lisière blanche
d’une petite étendue saline et nous y fîmes halte au retour. Nous transportâmes
Aziz sur cette terre tremblante, enveloppé dans mon aba en guise de linceul,
repérâmes un endroit où rompre l’étincelante croûte et étendîmes Aziz sur le
bourbier de sables mouvants qui se trouvait en dessous. Durant le temps que
prit le petit paquet à disparaître sous nos yeux, nous lui fîmes nos adieux et
prononçâmes quelques prières.
    — La plaque de sel se reformera bientôt au-dessus
de lui, murmura mon père d’un air songeur, et il demeurera ainsi à jamais
préservé, même de la décomposition, puisque le sel, en imprégnant son corps,
empêchera qu’il pourrisse.
    Mon oncle, grattant son coude d’un air absent, dit à
son tour avec résignation :
    — Il se peut même qu’un jour cette terre, comme
je l’ai déjà vu ailleurs, soit exhumée et cassée, et que sa topographie en soit
bouleversée. Quelque voyageur du futur pourrait le découvrir, dans des siècles
d’ici, et, en contemplant son visage, il se demandera comment un ange a bien pu
tomber du ciel pour se trouver enterré là.
    Ce discours en forme d’épitaphe étant le meilleur qui
pût être prononcé pour le disparu, nous laissâmes Aziz à son ultime repos et
remontâmes sur nos bêtes. Lorsque nous fumes en vue de l’oasis, Narine courut
vers nous, franchement attristé et se lamentant de nous voir rentrer à trois
seulement. Nous lui expliquâmes, de la façon la plus lapidaire, comment nous
nous retrouvions amputés du plus jeune membre de notre groupe. Visiblement
affligé et abattu, il marmonna quelques prières musulmanes, avant de prononcer
à notre intention une condoléance fataliste typique des sectateurs du
Prophète :
    — Que votre vie soit prolongée, mes bons maîtres,
de tous les jours que cet enfant a perdus. Înch Allah !
    Le jour touchait à sa fin à présent, et nous étions
tous épuisés. Ma tête n’était pas loin de se fendre de douleur, et nous
n’avions nulle hâte de continuer notre voyage, aussi nous préparâmes-nous à
passer une nouvelle nuit dans cette oasis, même si cet endroit nous était désormais
funeste. Les trois Mongols nous y avaient précédés, et Narine poursuivit ce
qu’il avait commencé de faire avant notre arrivée : aider ces hommes à
nettoyer, à oindre et à panser leurs blessures.
    Celles-ci étaient nombreuses, mais pas trop graves.
Celui que nous avions cru le plus atteint avait seulement eu l’esprit un peu
ébranlé en recevant de plein fouet le coup de tête d’un cheval au cours de
l’échauffourée finale contre les Karauna. Il semblait s’en être plutôt bien
remis. Cependant, les hommes étaient tailladés de coupures à l’épée et, ayant
perdu beaucoup de sang, devaient être très affaiblis. Nous aurions fort bien
compris qu’ils restent quelques jours dans l’oasis, le temps de recouvrer leurs
forces. Mais pas du tout, affirmèrent-ils : ils étaient des Mongols.
Indestructibles, rien ne pouvait les arrêter, et ils repartaient.
    Mon père leur demanda où ils comptaient se rendre. Ils
répliquèrent qu’ils n’avaient pas de destination définie, seulement le mandat
d’aller et venir jusqu’à ce qu’ils repèrent et anéantissent tous les Karauna
qui rôdaient encore dans le Dasht-e-Kavir. Ils tenaient, nous assurèrent-ils, à
s’acquitter de leur tâche.
    C’est alors que mon père leur exhiba notre
sauf-conduit signé de la main du khakhan Kubilaï. Même si, à l’évidence, aucun
de ces hommes ne savait lire, ils reconnurent sans peine le sceau
caractéristique du khan de tous les khans. Ils s’en montrèrent fort émus, tout
comme ils avaient déjà été auparavant très impressionnés d’entendre mon père et
mon oncle s’exprimer dans leur langue, et ils nous demandèrent si nous avions
des ordres à leur donner, au nom du khakhan. Mon père suggéra alors que, dans
la mesure où nous acheminions de riches présents destinés à être offerts à leur
seigneur suprême, ils pourraient assurer la sécurité de leur transport en nous
servant d’escorte jusqu’à Mechhed,

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