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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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pleurer, il
répéta : J’ai si froid...
    — Oui, oui, mon petit, s’empressa mon père. On va
y remédier. Marco, reste à côté de lui pour le réconforter. Matteo, aide-moi à
rassembler quelques bouses pour faire un feu.
    J’ôtai mon aba et l’étalai sur le garçon en guise de
seconde couverture, sans me soucier du sang qui allait le souiller. Mais il ne
chercha pas à tirer cette protection vers lui. Il resta juste immobile là où il
se trouvait, contre la selle tournée de côté, ses petites jambes étendues
raides devant lui et ses mains reposant inertes sur les côtés. Histoire de lui
réchauffer un peu le cœur, je lui dis :
    — Tu sais, Aziz, que depuis tout ce temps je me
suis tarabusté de ciboulot à chercher de quel animal tu me parlais, dans ta
devinette...
    Un pâle sourire passa sur ses lèvres.
    — Ah... mon énigme t’aura rendu bien perplexe,
hein, Marco ?
    — Pour ça, tu peux le dire. C’était comment,
déjà ?
    — Une créature du désert... qui rassemble en
elle... les caractéristiques de sept animaux différents. (Sa voix se mourait,
de plus en plus apathique.) Tu ne devines pas ?
    — Non, répondis-je, le font plissé comme
auparavant, faisant semblant de m’absorber au plus profond de ma réflexion.
Non, je m’avoue vaincu : je ne vois pas.
    — Il a la tête d’un cheval..., prononça-t-il
lentement, comme s’il avait du mal à se souvenir ou à parler. Et l’encolure
d’un taureau... les ailes de l’oiseau Rukh... le ventre du scorpion...
des pieds de chameau... des cornes de gazelle... et... l’arrière-train d’un...
serpent.
    J’étais fort préoccupé par son inhabituel manque de
vivacité, mais je n’en décelais pas la cause. À mesure que sa voix déclinait,
ses paupières s’affaissaient. Lui secouant l’épaule d’un geste encourageant, je
le questionnai :
    — Ce doit être une bête merveilleuse. Mais
laquelle ? Je t’en prie, Aziz, dévoile ton énigme. De quoi
s’agit-il ?
    Il ouvrit ses yeux magnifiques et les posa sur moi,
puis il sourit et lâcha :
    — Ce n’est rien d’autre qu’une sauterelle commune.
    Sur ces mots, il bascula brusquement vers l’avant, et
son visage alla heurter le sol entre ses genoux, comme s’il avait été monté sur
pivot à la hauteur de la poitrine. Il y eut alors un accroissement notable du
mélange d’odeurs qui prévalait déjà : une forte puanteur de sang, d’odeurs
corporelles, de purin animal et d’excréments humains. Frappé d’horreur, je
sautai sur mes pieds et appelai mon père et mon oncle. Ils arrivèrent en
courant et baissèrent les yeux sur l’enfant, l’air hagard :
    — Aucun être humain n’a jamais eu l’air aussi
aplati que cela ! s’exclama mon oncle, choqué.
    Mon père s’agenouilla et se saisit d’un des poignets
du jeune garçon. Il le tint en main quelques instants, puis releva les yeux
vers nous, secouant la tête, l’air sombre :
    — L’enfant est mort ! Mais de quoi ?
N’a-t-il pas dit qu’il n’était pas blessé ? Qu’ils se l’étaient simplement
fait passer de l’un à l’autre tandis qu’ils galopaient ?
    J’élevai les mains d’un geste désespéré.
    — On a juste parlé un peu. Et puis il est tombé en
avant, comme ça. Comme une poupée de chiffon vidée de son sable.
    Mon oncle se détourna, pris d’une crise de sanglots et
d’une quinte de toux. Mon père attrapa doucement le jeune garçon par les
épaules et le releva, reposa sa tête ballante contre la selle et le tint assis
d’une main tandis que, de l’autre, il abaissait les couvertures ensanglantées.
Il contint alors un haut-le-cœur et, répétant les paroles de l’enfant, il
murmura :
    — Les Karauna étaient affamés...
    Il recula, secoué d’une irrépressible nausée, laissant
le corps culbuter de nouveau vers l’avant. Pas assez vite cependant pour que je
ne puisse, moi aussi, voir. Ce qui était arrivé à Aziz... je ne pouvais le
relier qu’à cette histoire de la Grèce antique que l’on m’avait jadis contée à
l’école, au sujet d’un vaillant gamin de Sparte et d’un vorace renardeau qu’il
avait maintenu caché sous sa tunique.

 
32
    Nous laissâmes les Karauna morts où ils reposaient,
telles des charognes vouées aux becs des vautours qui les déchireraient. Mais
nous emmenâmes avec nous le corps déjà mordu, évidé et partiellement dévoré du
petit Aziz, tandis que nous retournions vers l’oasis. Il n’était

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