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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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ou au contraire inique, cela n’eût pas laissé sur le sable la
moindre trace supplémentaire. Mais j’avais refusé, et pour le reste de ma vie,
même si cette occasion se représentait, jamais plus ce ne serait avec le bel
Aziz. Il s’en était allé, et l’occasion avec lui : sans avoir besoin pour
cela de me retrouver sur mon lit de mort, j’en ressentis toute la détresse.
    Mais j’avais survécu. J’étais encore vivant, et tous,
mon oncle, mon père et nos compagnons, nous étions remis en marche, voyageurs
de toujours... N’est-ce pas tout ce que peut faire l’être humain sur cette
terre, au bout du compte, pour oublier la mort, ou du moins la défier ?
    Nous ne fûmes plus confrontés aux Karauna ni à aucun
autre rôdeur et, durant le reste de notre traversée du désert, nous ne
croisâmes pas âme qui vive. Ou bien notre escorte mongole s’avérait superflue,
ou sa simple présence avait suffi à dissuader toute attaque. Nous quittâmes les
basses terres sableuses aux abords des montagnes Binalud, que nous franchîmes
pour gagner Mechhed. C’était une ville agréable, plaisante, un peu plus étendue
que Kachan, aux rues bordées de chinars et de mûriers.
    Mechhed est aussi l’une des principales villes saintes
de la Perse islamique, car l’un des martyrs hautement révérés de jadis, l’imam
Riza, est enterré sous un masjid magnifiquement orné de la ville.
Lorsqu’un musulman s’y est rendu, il gagne le titre de meshadi, tout
comme le pèlerin de La Mecque devient hadji. La majeure partie de la
population de la ville se composait donc de pèlerins de passage, et, pour cette
raison, Mechhed disposait d’un choix respectable de vastes caravansérails aussi
propres que confortables. Nos trois Mongols nous conduisirent vers l’un des
meilleurs et y passèrent une nuit avant de retourner poursuivre leur patrouille
au Dasht-e-Kavir.
    C’est là qu’ils firent montre d’une autre de leurs si
particulières coutumes. Tandis que mon père, mon oncle et moi-même trouvions à
bien nous loger à l’intérieur de l’auberge et que notre conducteur de chameaux
Narine était trop heureux de partager l’étable avec ses animaux, les Mongols
insistèrent pour dérouler leurs nattes dehors, au centre de la cour, et
attachèrent leurs chevaux près d’eux. Le tenancier de l’établissement voulut
bien tolérer de leur part cette excentricité, mais ce n’est pas le cas de tous.
Comme je pus l’observer plus tard, lorsqu’un groupe de Mongols se trouve sommé
par un patron d’hôtel de loger à l’intérieur comme tous les gens civilisés, ils
s’y résolvent en rechignant, mais refusent obstinément de manger ce que propose
la cuisine de l’établissement. Ils font un feu sur le sol de leur chambre,
installent dessus un trépied et y font cuire leur propre nourriture. Quand la
nuit survient, en aucun cas ils ne s’allongent sur les lits mis à leur
disposition : préférant dérouler leurs carpettes et leurs couvertures, ils
dorment à même le sol.
    Je dois avouer que je comprends, pour une bonne part,
cette répugnance des Mongols à résider sous un toit fixe. Ce long voyage à
travers le Grand Salé avait éveillé en nous le goût des vastes espaces et une
certaine répulsion pour les pièces étroites : nous étions désormais attachés
au silence profond, à l’air pur de ces solitudes. Bien sûr, retrouver le doux
rafraîchissement du hammam, le bonheur du bain et la langueur du massage fut
pour nous fort plaisant, ainsi que la facilité de nous voir préparer et servir
des mets délicieux. Mais dans le même temps, le bruit, l’agitation,
l’atmosphère troublée de cette vie urbaine confinée ne tardèrent pas à nous
indisposer. L’air semblait limité, les murs oppressants, et les autres usagers
du caravansérail nous donnaient l’impression d’une foule bruyante, terriblement
bavarde. La fumée, surtout, fort envahissante, devint vite une gêne pour oncle
Matteo, fréquemment sujet à des quintes de toux.
    C’est pourquoi, quelle que fut l’hospitalité de notre
caravansérail et l’attrait de cette fort estimable cité de Mechhed, nous n’y
restâmes que le temps nécessaire à échanger nos chameaux contre des chevaux et
à refaire le plein de vivres, puis nous en repartîmes.

 
     
     
     
     
     
     
BALKH

 
33
    Nous nous dirigeâmes dès lors vers l’est-sud-est, afin
de contourner le Karakoum, encore appelé les Sables noirs, un autre désert

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