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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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occupation risquait de constituer un
grave outrage aux yeux des Balkhites. Ceux-ci qualifiaient en effet ce type de pratique
de « pêche à la fille d’Eve » et la considéraient comme vicieuse. Ils
la condamnaient donc fermement.
    Pendant ce temps, oncle Matteo assumait pour sa part
son célibat sans se plaindre, et je crus d’abord que c’était par nostalgie pour
Aziz. Mais il devint vite évident qu’il était tout simplement trop affaibli
physiquement pour rechercher un quelconque badinage amoureux. Sa toux
persistante s’était depuis quelque temps aggravée. Lorsque des quintes le
prenaient, elles le secouaient désormais si violemment que, épuisé, il n’avait
plus d’autre choix que de s’aliter. Il semblait pourtant toujours aussi robuste
et bien bâti, et son teint n’avait rien d’alarmant. Mais lorsqu’il en vint à ne
plus pouvoir se traîner hors du caravansérail, mon père et moi, balayant toutes
ses protestations, convoquâmes à son chevet un hakim.
    Cela étant, ce terme, qui signifie « sage »,
n’est pas toujours synonyme de personne formée à la médecine, qualifiée et
expérimentée. Si l’on peut à l’occasion accorder ce titre à quelqu’un qui le
mérite – par exemple, au médecin attitré d’un palais –, on peut tout aussi bien
le décerner à un autre n’ayant aucun droit à s’en prévaloir, tel un diseur de
bonne aventure de bazar ou un vieux mendiant récupérant et vendant des herbes
médicinales. Nous étions donc passablement sceptiques quant à la possibilité de
trouver rapidement un docteur digne de ce nom. Nous avions vu assez de
Balkhites affligés des pires infections – la plus courante étant un goitre
énorme, pareil à un melon ou à un scrotum géant – pour avoir une confiance fort
limitée dans les talents de guérisseur des hommes de l’art locaux. Mais notre
patron d’auberge nous présenta un certain hakim Khosro, à qui nous
confiâmes oncle Matteo.
    Il semblait savoir ce qu’il faisait. Il n’eut qu’à
procéder à un examen très bref pour diagnostiquer à mon père :
    — Votre frère souffre du hasht nafri  :
ce mot signifie « un sur huit », car c’est la proportion de gens
atteints qui en meurent. Mais ceux qui n’y survivent pas mettent du temps à
trépasser. Le djinn de ce mal n’est pas pressé. Votre frère m’a dit
qu’il en souffrait depuis déjà assez longtemps et que son état, depuis, n’avait
fait qu’empirer.
    — C’est sans doute une phtisie, dans ce cas,
déclara mon père, hochant gravement la tête. Dans le pays d’où nous venons, on
l’appelle aussi le « mal sournois ». Pouvez-vous le guérir ?
    — Sept fois sur huit, oui, répondit le hakim Khosro
d’un ton guilleret. Mais pour cela, je vais avoir besoin de certains
ingrédients dans votre cuisine.
    Il réclama au patron du caravansérail des œufs, des
grains de millet et de la farine d’orge. Puis il écrivit des mots sur de petits
morceaux de papier (« de puissants versets du Coran », affirma-t-il)
et les éparpilla sur le torse nu d’oncle Matteo parmi des taches de jaune d’œuf
mélangé à des grains de millet.
    — Le djinn de cette affection a une
prédilection pour les grains de millet, expliqua-t-il savamment.
    Puis il demanda au tenancier de l’aider à asperger le
torse de mon oncle de farine et de l’en frictionner avec énergie, après quoi il
l’enveloppa d’un certain nombre de peaux de chèvre afin, assurait-il,
« d’activer la sudation des poisons du djinn ».
    — Malevolenza, grogna mon oncle. Je ne peux même plus me gratter le coude.
    Puis il commença à tousser. Était-ce la poussière de
farine ou la chaleur excessive qu’il devait endurer à l’intérieur de ces peaux
de chèvre, toujours est-il qu’il se mit à tousser comme jamais encore il ne
l’avait fait. Ses bras étant liés par le bandage de peaux, il ne pouvait plus
se marteler la poitrine pour se soulager, ni mettre sa main devant sa bouche,
aussi sa toux enfla-t-elle jusqu’au moment où l’on crut qu’il allait vraiment
s’étrangler. Sa face naturellement rubiconde devint plus rouge encore, si
c’était possible, et il projeta quelques petites taches de sang sur le blanc de
l’aba du hakim. Après quelques minutes de cette agonie, il pâlit et
s’évanouit, soudain livide comme un mort, et je crus vraiment qu’il s’était étranglé.
    — Non, ne t’alarme pas, jeune homme, lâcha le hakim Khosro.

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