Vers l'orient
était à cet
instant nettement plus intéressé par la première femme nue que je voyais depuis
Kachan. Je n’en remarquai pas moins au passage que les vêtements de la
demoiselle étaient faits d’une matière si épaisse et rigide que, bien que moins
souillés que les miens, ils auraient également pu se tenir raides à la
verticale.
Le corps de la jeune fille était plus attrayant que
son visage. Elle était mince tout en arborant des seins incroyablement gros, ronds
et fermes pour une aussi svelte silhouette. Je supposai que ce devait être
l’une des raisons qui l’avaient poussée à choisir un métier dont l’objet était
de satisfaire les infidèles de passage. Les musulmans mâles sont bien plus
attirés par un postérieur épanoui et n’ont pas plus d’admiration pour les seins
que pour les réservoirs à lait qu’ils y voient. J’espérai malgré tout que cette
activité permettrait à la jeune fille d’épargner une fortune suffisante pendant
qu’elle était encore jeune et bien faite. Les femmes de ces tribus ont une
fâcheuse tendance, en effet, bien avant d’arriver entre deux âges, à devenir si
obèses que leur poitrine, au départ splendide, dégénère assez vite en une série
d’étages de chair comprimés entre leurs doubles ou triples mentons et les
bourrelets de leur ventripotent abdomen.
L’autre raison pour laquelle je souhaitais qu’elle fît
rapidement son profit de cette activité était qu’elle n’en tirait à l’évidence
aucun plaisir. Dès que je me mis en tête de partager avec elle les félicités de
l’acte sexuel, en la mettant en transe par la stimulation de son zambur, je
constatai qu’elle en était privée. À la jointure haute de son mihrab, endroit
où aurait normalement dû se nicher la minuscule molette avec laquelle le
ménestrel accorde son luth, il n’y avait pas la moindre proéminence. Je crus,
l’espace d’un instant, qu’elle était affligée dans cette zone d’une pathétique
malformation, mais je compris vite qu’elle devait tout simplement être tabzir. Elle n’avait donc plus rien d’autre, là, qu’une fissure de chair douce. Ce
manque dut sans doute influer sur la vigueur de mes jaillissements personnels,
puisque chaque fois que je frôlais le plaisir ultime auquel on se laisse aller
et que je l’entendais crier : « ghi, ghi, ghi-ghi ! » (qui veut dire : « oui, oui ! »), je me rendais compte
qu’elle simulait alors une extase toute factice, et cela m’attristait. Mais,
après tout, qui suis-je pour juger criminelles les traditions d’autres
peuples ? J’allais d’ailleurs bientôt découvrir que j’avais, moi aussi, un
petit manque personnel à déplorer.
Devinant sans doute ma difficulté à conclure, le gebr vint tambouriner à la porte, criant très élégamment :
— Bon, eh ! Tu t’attendais à quoi, pour un
dirham ?
Je dus admettre que j’en avais eu pour mon faible
argent et laissai la jeune fille se relever. Elle alla, toujours nue, quérir
une cuvette d’eau et une serviette, tout en criant dans le couloir qu’on nous
apportât nos affaires propres. Elle mit à chauffer le récipient d’eau parfumée
au tamarin sur le brasero, et était en train de me nettoyer avec lorsque l’on
frappa à la porte. Mais le serviteur, qui ne portait que les vêtements de la
jeune fille, crachota un long laïus en pashtoun qui semblait une sorte
d’explication embarrassée. La demoiselle vint vers moi, une expression
indéfinissable sur le visage, et demanda d’un ton hésitant, comme
interrogatif :
— Tes vêtements, ça brûle ?
— Oui, je suppose, si on y met le feu. Où
sont-ils ?
— Pas rendus, dit-elle, me montrant ses seuls
habits.
— Ah, tu veux dire : ils
« sèchent », pas ils « brûlent ». C’est bien cela,
hein ? Les miens ne sont pas encore secs.
— Non, partis. Tes vêtements, ça tout brûlé.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
Tu ne m’as pas annoncé que tu allais les faire laver ?
— Pas laver. Nettoyer. Pas dans l’eau. Dans
feu !
— Tu as mis mes affaires dans le feu ?
Elles ont brûlé ?
— Ghi.
— Tu serais une adoratrice du dieu du feu, toi
aussi ? Tu es divanè, ou quoi ? Tu les as envoyées à nettoyer
dans le feu, au lieu de l’eau ? Holà, le gebr ! Du
Persan ! Holà, le souteneur !
— S’il te plaît, toi pas faire scandale !
supplia la jeune fille apparemment terrifiée. Moi rendre dirham à
Weitere Kostenlose Bücher