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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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vous autres chrétiens,
des gardiens scrupuleux de la bienséance ?
    — Je n’ai rien contre les amants, affirmai-je,
m’apitoyant une seconde sur moi-même. Au contraire, je les envie ! Je ne
demanderais qu’à connaître quelqu’un que j’inviterais à me rejoindre derrière,
chez ce gebr...
    — C’est que, justement, il se rend également
coupable d’une autre offense contre la morale. Pour ceux qui n’auraient pas de
galante à qui donner rendez-vous, il tient prêtes deux ou trois filles à cet
usage, dont on peut aisément louer les services.
    — Hum. En effet, là, ça commence à dépasser les
bornes. Tu as bien fait d’attirer mon attention sur tout ceci, Narine. À
présent, si tu pouvais m’indiquer l’adresse exacte de cet établissement du
diable, je pourrais sans doute donner suite à ta vigilance toute chrétienne...
    Le lendemain, jour où la neige tombait dru, dès que
mon père et Narine s’en furent allés et que j’eus dûment enveloppé oncle Matteo
d’épaisses peaux de chèvre, je m’empressai de me rendre à pied jusqu’à
l’échoppe que m’avait obligeamment signalée l’esclave. Il y avait là un
comptoir encombré de piles de vêtements d’un tissu qui semblait assez lourd,
sur lequel brûlait, dans un bol de pierre, une mèche qui trempait dans de
l’huile de naphte. La flamme brillante éclairait le regard matois d’un vieux
Persan à la barbe teinte au henné.
    — J’aimerais voir vos articles les plus doux,
déclarai-je, comme m’avait conseillé de le faire Narine.
    — Pièce de gauche, répliqua sans broncher le gebr, désignant de son menton barbichu un rideau de perles situé au fond de sa
boutique. C’est un dirham !
    — C’est que... j’aimerais vraiment quelque chose
de bien, spécifiai-je.
    Il émit un sifflement de mépris.
    — Si vous me montrez une seule belle fille parmi
les créatures rustiques de l’endroit, c’est moi qui vous paierai. Ne
vous plaignez pas : déjà, elles sont saines. Un dirham.
    — Après tout, vous avez raison : qu’importe
l’eau, pourvu qu’elle éteigne le feu ! répliquai-je, résigné.
    Le vieil homme me toisa du regard comme si je venais
de lui cracher dessus. Je compris soudain que ce n’était peut-être pas la
meilleure chose à dire à un adorateur du dieu du feu... Je me hâtai de poser ma
pièce sur le comptoir et écartai le rideau de perles qui m’offrit le passage en
tintinnabulant.
    Un peu partout dans la pièce étaient pendues des
branches de caroubier qui distillaient leur doux arôme. Pour tout mobilier, il
y avait là un brasero au charbon de bois et un charpai, un lit
rudimentaire fait de cordes entrelacées sur une armature de bois. La fille
n’était pas plus avenante de visage que la seule autre femme dont j’avais
auparavant payé les faveurs, la grosse Margarita des docks. Celle-ci était un
pur produit des tribus locales et ne maîtrisait que la langue dominante, le
pashtoun, avec à la rigueur quelques vagues mots, très laborieux, de farsi
commercial. Si elle me donna son nom, je ne le compris pas, car le pashtoun est
une langue qui consiste à répéter à toute vitesse des sons tous similaires tout
en se raclant la gorge, en crachant et en éternuant.
    Ce qui était cependant vrai, dans ce que m’avait
annoncé le gebr, c’est qu’elle était propre, plus en tout cas que
l’avait été Margarita. Elle se plaignit même, à en juger par son attitude, que
je ne le fusse pas autant qu’elle. Ma foi, elle n’avait pas tort. C’est que,
pour venir ici, je n’avais pas revêtu mes nouveaux habits que j’avais estimés
trop encombrants, car ils n’étaient guère plus pratiques à enfiler qu’à ôter.
Je portais donc la tenue qui avait traversé le Grand Salé et le Garabil, et je
dois convenir qu’elle sentait bon le voyage. À vrai dire, le vêtement était si
incrusté de poussière, de sueur et de crasse qu’il tenait presque debout
lorsque je l’ôtai.
    La jeune femme saisit mes nippes du bout des doigts,
les observa un moment et s’exclama : « Sale, sale ! », et
encore : «  Dahb !  » ou « Bohut
purana ! » , se gargarisant de sons qui exprimaient visiblement la
répulsion en pashtoun.
    — Je donne tiens, avec miens, à nettoyer.
    Elle enleva prestement les vêtements qu’elle portait,
les joignit aux miens, beugla ce qui semblait être un appel à un serviteur et
lui tendit le paquet à travers la porte. Je le confesse, mon regard

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