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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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souvenir
que le versant méridional des montagnes est dépourvu de toute végétation. Si
donc vous repérez le moindre arbuste ou le plus petit buisson, vous êtes
forcément sur la face nord.
    — Ces massifs sont ceux des Muztagh, les
Gardiens, prévenait un sixième. Priez pour les avoir entièrement traversés
avant que l’été ait succédé au printemps, ou vous serez piégés par le Bad-i-sad-o-bist, le terrible vent de quatre mois.
    — Pas du tout ! clamait un septième. Ces
éminences sont celles du Trône de Salomon, le Takht-i-Sulaiman. Si vous
êtes pris là-haut dans une tornade, vous pourrez être sûrs qu’elle est issue de
l’une des cavernes toutes proches, qui sont la tanière des démons envoyés là en
exil par le bon roi Salomon. Trouvez la caverne et obstruez-la de rochers, le
vent tombera de lui-même.
    Nous fîmes donc nos bagages, payâmes notre dû pour la
pension, saluâmes ceux dont nous avions fait la connaissance et nous remîmes en
route, montés sur nos quatre chevaux et en menant trois autres chargés d’un
amas princier de marchandises. Nous dirigeant plein est à partir de Balkh, nous
traversâmes successivement les villages de Kholm, Qonduz et Taloqan, qui
semblaient n’exister que comme marchés d’échange pour les éleveurs de chevaux
habitant cette région herbeuse. Tout le monde là-bas élève des chevaux, et l’on
a toujours à vendre à ses voisins, à la foire du village, des étalons
reproducteurs ou quelques juments poulinières. Les chevaux sont des bêtes
superbes, comparables aux meilleurs pur-sang arabes, bien que n’ayant pas une
tête aussi fine. Chacun affirme, bien sûr, que son troupeau descend en droite
ligne du destrier d’Alexandre, le fougueux Bucéphale, revendication d’autant
plus ridicule qu’elle est universelle. Quoi qu’il en soit, aucun n’a jamais
arboré l’incroyable queue de paon que prêtaient à sa monture les enluminures du Roman d’Alexandre, devant lequel j’avais rêvé de longues heures durant
ma jeunesse.
    En cette saison, toutes les étendues herbeuses étaient
recouvertes de neige, ce qui nous empêcha de constater la raréfaction
progressive de la végétation à mesure que nous avancions vers l’est. Mais nous
en étions malgré tout conscients, car le sol sous la neige devint caillouteux,
puis rocailleux, et les villages peu à peu s’espacèrent jusqu’à disparaître
complètement, pour ne laisser place de temps à autre qu’à un hypothétique
caravansérail posé dans le décor de façon quelque peu insolite. Lorsque nous
eûmes passé l’ultime bourgade, un amas de huttes de pierre du nom de Keshem,
nous dûmes, dès que nous eûmes atteint les premiers contreforts montagneux,
camper trois nuits sur quatre à la belle étoile. Ces bivouacs glacés dans la
neige et le vent tourbillonnant, sous le seul abri de la tente et de nos
chapons, avec pour toute nourriture nos rations salées ou séchées, n’avaient
rien d’idyllique.
    Nous avions craint pour oncle Matteo les rigueurs du
climat. En fait, il fut le seul à ne pas s’en plaindre, même quand nous autres
bien-portants nous lamentions. Il maintenait au contraire qu’il se sentait bien
mieux dans cet air vif, comme l’avait prédit le hakim Khosro. Sa toux
avait diminué, et il ne crachait presque plus de sang. Il nous laissait certes
prendre en charge les besognes les plus pénibles, mais ne nous obligeait pas à
raccourcir nos étapes et, chaque jour, il se tenait bien ferme en selle ou
marchait à côté de son cheval sur les portions les plus rudes, comme n’importe
lequel d’entre nous. Du reste, au bout d’un certain temps sur ces pistes
difficiles, réduits à ne subsister que de nos maigres rations, nous étions tous
devenus aussi émaciés qu’oncle Matteo et peu enclins à nous dépenser. Seul
Narine conservait sa bedaine, mais elle semblait maintenant comme désolidarisée
de sa silhouette, tel un melon qu’il aurait transporté sous ses vêtements.
    Lorsque nous arrivâmes à la rivière Ab-e-Panj, nous
suivîmes sa large vallée qui remontait vers l’est et commençâmes à monter
insensiblement, gagnant de l’altitude à chaque pas. Quand on pense à une
vallée, on se figure généralement une dépression dans le sol, mais celle-ci
était large de plusieurs farsakh et n’était encaissée que par rapport
aux massifs cyclopéens qui l’entouraient au loin, de part et d’autre. Située
dans n’importe quel autre point du

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