Vidocq - le Napoléon de la Police
V, le pauvre laboureur dont la famille
mourait de faim, arrêté pour un boisseau de blé. L’assistance est émue, le
président s’en rend compte et interrompt cette évocation.
« Ces faits étant amnistiés, je
vous défends d’y faire allusion. »
Et il fait intervenir le premier
témoin à charge. Les spectateurs se tordent le cou pour mieux apercevoir une
élégante jeune femme que le président interroge avec bienveillance :
« Le prévenu vous a fait grand
mal, n’est-ce pas madame ? »
— Il m’a menacé de ruiner ma
réputation et celle de ma famille », soupire-t-elle.
Comme le juge se tourne d’un air
satisfait vers ses assesseurs, Vidocq se contente de sourire et explique, d’une
voix qui porte jusqu’au fond de la salle :
« Madame ne vous dit pas tout.
J’ai fait bien pire que la menacer de ruiner sa réputation, je l’ai
fait. »
Le président reste sans voix et
Vidocq reprend tandis que dans la salle, le silence se fait absolu.
« Le mari de cette dame, M.
Herbelot est un fameux faiseur qui a ruiné de nombreux commerçants parisiens.
Il n’est pas venu lui-même, sans doute de peur de rencontrer ses dupes. Ce
couple, depuis des années, achète à crédit et revend à moitié prix mais
comptant. Quant à leurs fournisseurs bien entendu, ils n’ont plus qu’à pleurer
lorsque les traites qu’ils présentent pour se faire régler, leur sont
retournées impayées. Je l’ai découvert sous son faux nom et j’ai prévenu les
abonnés de mon agence qu’ils allaient se faire arnaquer. Ce joli monsieur n’a
pu poursuivre ses activités et je suis prêt à reconnaître quel préjudice je lui
ai causé, puisque c’est là le principal travail de mon agence. D’ailleurs mon
secrétaire qui est dans la salle, peut déposer comme preuves les lettres de
félicitations que mes clients m’ont adressées, pour me remercier de les avoir
sauvés de ces deux escrocs. »
Un élégant jeune homme s’avance d’un
pas rapide et remet sur le bureau du président une liasse de feuilles. L’avocat
général Anspach, hors de lui, vole au secours du tribunal :
« Irrecevables. Ces pièces ne
m’ont pas été communiquées à l’avance !
— Comment l’auraient-elles pu,
j’ignorais de quoi je pouvais bien être accusé », coupe Vidocq. Devant les
murmures de la foule, le président frappe avec son marteau et annonce que s’il
entend le moindre bruit, il va faire évacuer la salle. Devant la menace du huis
clos, chacun se tait. Quelques témoins défilent qui tous finissent par avouer
qu’ils ont été soudoyés par la police et que leurs témoignages sont mensongers.
Entretemps, le secrétaire de Vidocq
a pu convoquer d’autres témoins. Le maire de Rouen qui a acheté une fortune un
cheval de course pour découvrir qu’il ne s’agissait que d’une pauvre rosse sans
valeur.
La police officielle avait levé les
bras et déclaré ne rien pouvoir faire, Vidocq, lui, avait retrouvé les vendeurs
et obtenu restitution de la somme.
Vexé de l’accueil favorable fait à
ces dépositions, le président interrompt leur défilé et fait introduire ceux de
la préfecture. D’abord un avocat rayé du barreau. En moins de deux minutes,
Vidocq expose qu’il avait fait avouer à un de ses clients où il avait caché son
butin et l’avait dérobé. Confondu par l’ancien chef de la Sûreté, il avait dû
quitter la profession. Il sort sous les huées de la foule tandis qu’on
introduit le témoin clef de l’accusation : Champaix.
C’est un escroc, un
« faiseur » comme ceux dont s’occupe l’agence de Vidocq. Ayant acheté
à crédit des marchandises qu’il avait depuis longtemps revendues cash, il se
cachait de ses vendeurs qui désespéraient de récupérer leur bien. Après avoir
vainement espéré que la police mette fin à ses activités, ces derniers se sont
tournés vers Vidocq au début du mois d’août 1842. Le 12, celui-ci le retrouve
dans un estaminet près du Pont-Royal. Il va droit vers Champaix et le somme de
payer ses créanciers. Se voyant découvert et soucieux de préserver son reste de
réputation, Champaix, faisant la part des choses, accepte de composer. Il
propose à Vidocq d’aller en discuter à son agence. Tous les témoins, clients du
bistrot, en témoignent. Il prend le bras de Vidocq et les deux hommes s’en vont
chercher un fiacre pour s’y rendre. D’autres témoins les voient descendre de
cette voiture devant l’entrée
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